VERDUN SUR LE DNIEPR



La guerre se poursuit en Ukraine, se complexifie et s'approfondit, selon les informations diffusées dans l'article ci-dessous.

Pour le dire en quelques mots, en clair: l'Ukraine, c'est Verdun. C'est donc dire qu'il s'agit d'une guerre d'usure, menée dans la boue et le sang, une guerre d'attrition et d'épuisement. La contre-offensive tant vantée par les médias occidentaux, tout particulièrement américains, à grands coups de chars d'assauts arrivant d'Amérique du Nord et d'Europe, n'a pas réglé grand chose jusqu'à maintenant, selon toutes apparences. L'éléphant semble avoir accouché d'une souris.

Il se confirme que le plus solide aura le dessus à terme. L'Ukraine devient un abcès de fixation où se concentre peu à peu l'énergie vitale des deux camps, que ce soit les deux pays impliqués directement ou les pays amis ou alliés, indirectement engagés, que ce soit ouvertement (USA), semi-ouvertement (Chine) ou secrètement (Afrique du Sud).

Les sanctions font apparement plus mal aux pays occidentaux eux-mêmes qu'à la Russie et poussent même bien des pays du sud à vouloir se détourner du monde occidental, en faveur d'organisations liées de près ou de loin à la Chine (BRICS, Organisation de coopération de Shanghai). À cause des coûts directs de la guerre, de l'impact des sanctions, des répercussions que tout cela entraîne au niveau de l'énergie et des chaînes d'approvisionnement, etc., sans parler de l'endettement qui s'approfondit en Occident et des énormes coûts à prévoir pour assurer la transition énergétique et parer au changement climatique déjà amorcé, nous assistons présentement à une grande crispation du système financier et économique des parties impliquées : c'est-à-dire, en gros, le camp occidental et le camp eurasien.

Il apparaît clairement que la Russie s'attendait à un coup de main ultra-rapide, conclue en quelques jours, voire quelques semaines. Il s'agissait sans doute du dernier grand projet que rêvait d'accomplir le président russe avant de prendre sa retraite politique, un genre de quitte ou double ayant pour but de réunir sous une même tente les trois peuples slaves orientaux, liés entre eux par une multitude de liens organiques et issus d'une même souche commune, une sorte de fédération pan-russe. Ce projet, s'il réussit, risque de prendre des années à se réaliser, en réalité.

Plusieurs points méritent ici d'être mentionnés rapidement. Les peuples russes ont peu d'expérience de la démocratie, L'Empire des Tsars de toutes les Russies (l'expression a une réalité tangible) s'est transformé brutalement et violemment en fédération de républiques soviétiques, dans une régime de parti unique. L'Union soviétique a disparu, remplacée par quinze républiques ayant subi des sorts différents. Contrairement à ce que l'on pourrait croire à suivre les médias occidentaux, l'actuel président russe n'est pas un dictateur mais le chef d'un parti élu tout à fait démocratiquement. Il y a une demi-douzaine de partis politiques en Russie, dont l'ancien parti communiste et plusieurs partis nationalistes peu connus, sans parler de l'ancien parti du dissident Navalny, actuellement emprisonné après avoir fait l'objet de tentatives d'empoisonnement. Ce parti a malheureusement été dissous. Le président russe, il va sans dire, est effectivement un autocrate, un homme fort, comme les aiment les Russes, habitués depuis des siècles à un pouvoir assez rigide.

Il est vrai, du moins pour l'instant, que les Russes sont peu portés sur le multipartisme, quoique les choses avancent péniblement de ce côté. En fait, les vertus du multipartisme doivent être jaugés à l'aune de ses travers (cirque électoral, promesses excessives, déséquilibre croissant des budgets nationaux, accumulation incessante des dettes, etc.).

Il est important de mentionner à quel point l'apprentissage de la démocratie multipartiste peut être difficile et ardu. Cela a d'ailleurs été le cas en Europe occidentale et centrale au XIXe siècle, à l'époque d'un économiste génial, Karl Marx, dont les écrits consistaient surtout en une critique féroce des abus du monde capitaliste et dont l'héritage a été fécond, bien qu'avec des résultats très inégaux. Personne, à l'époque de Marx, ne pouvait imaginer que le communisme serait un jour implanté hors d'Europe, encore moins dans des pays alors peu industrialisés comme la Russie ou, pire encore, la très agricole Chine de l'Empire mandchou, alors semi-colonisée et bien peu développée. Le communisme aura au moins permis de faciliter l'industrialisation de la Russie et de la Chine et d'y introduire des germes de démocratie.

Le paradoxe taiwanais

Paradoxalement, la situation de la guerre ukrainienne pourrait avoir un impact sur la future invasion de Taiwan, quasi-inévitable. Celle-ci pourrait s'en trouver facilitée pour la Chine, puisqu'une telle continuation des opérations militaires pendant des années entières lui permettrait de continuer de se préparer et d'adapter ses armes et stratégies en vue de la récupération de la province rebelle.

Il est même très possible qu'au lieu d'être une opération laborieuse et coûteuse, difficile et longue, l'éventuelle invasion prenne la forme d'un genre de blitzkrieg 2.0 : avec parachutage massif de troupes d'assaut, utilisation de nouvelles armes, établissement d'une supériorité aérienne incontestée, mise en place préalable d'une cinquième colonne avec réseaux de saboteurs et d'espions, bombardements préliminaires intensifs de toutes les installations militaires taiwanaises, débarquements sur plusieurs points, etc. De l'autre côté, l'épuisement économique des pays occidentaux, la baisse des inventaires de matériels de guerre, la démoralisation des défenseurs, etc., favoriseraient aussi l'impact d'une force d'invasion.

Par ailleurs, dans cette perspective, des actions et pressions diplomatiques auprès des autorités japonaises et philippines sont à prévoir au cours des prochaines années, de la part des autorités chinoise. L'attitude de ces deux gouvernments sera en effet capitale dans le contexte d'une éventuelle intervention militaire américaine.

Il va de soi que la vigueur et la nature de l'appui de ces deux pays ne pourraient qu'avoir un impact majeur direct sur l'efficacité d'une telle intervention. Celle-ci serait menée dans des conditions logistiques extrêmement difficiles, Taiwan étant à l'extrémité occidentale d'un très long corridor d'approvisionnement devant traverser l'ensemble du plus vaste océan de Terra, de la Californie à l'archipel d'Hawaii, puis à l'ile de Guam, puis à l'ile d'Okinawa (archipel des Ryukyus) ou à l'ile de Luçon (archipel des Philippines), avant d'atteindre l'île de Formose, ainsi nommée par les explorateurs portuguais des temps anciens.


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https://legrandcontinent.eu/fr/2023/06/27/quatre-cent-quatre-vingt-neuvieme-jour-de-guerre-etat-des-forces-et-perspectives/


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PLUS:  @charles.millar3 (Twitter)


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