VERS UNE TROISIÈME EXPANSION BRICSIENNE...
(Texte
tiré d'une série de trois publications sur X (ex-Twitter), aujourd'hui, le
lundi 3 juin 0224, à la suite d’une publication sur un site apparemment proche
de la présidence brésilienne. Rappelons que les quatre pays originels du BRIC
(Brésil, Russie, Inde et Chine) se sont adjoint un nouveau membre, en Afrique
du Sud, quelques années après la formation de cette association. Les BRICS ont
ensuite invité une deuxième cuvée de nouveaux membres l'an dernier, lors de
leur rencontre tenue à Johannesburg, en Afrique du Sud. Seuls quatre des six
pays invités ont officiellement ratifié leur acceptation comme membres, du
moins jusqu'à maintenant. La prochaine rencontre des représentants des pays
bricsiens doit avoir lieu en octobre prochain, en Russie, plusieurs mois après
les élections européennes de ce mois, mais juste avant les élections
présidentielles américaines. Selon ce site, sept pays seront invités à se
joindre aux BRICS lors de cette rencontre, dans le cadre d'une troisième ronde
d'expansion: la Syrie, le Zimbabwe, le Cameroun, le Pakistan, le Sri Lanka et
la Thaïlande.)
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Selon toutes apparences, Ryad a donc décidé de tourner le dos aux BRICS, présumément en faveur d'un rapprochement avec les Etats-Unis. Il est bien évident, à ce stade des choses, que l'issue du conflit gazaouï, avec ses répercussions sur l'Iran et ses alliés arabophones, ainsi que sur le contentieux palestinien et sur la posture d'Israël envers les pays de son voisinage régional, sans parler de l'avènement possible d'une présidence Trump 2.0, entraînera des répercussions difficiles à évaluer pour l'immédiat au niveau des relations entre les autorités saoudiennes et les pays bricsiens en général.
Pour ce qui est de l'adhésion éventuelle de la Syrie, un allié de
l'Iran, elle doit sans doute s'interpréter comme une volonté des BRICS de
s'implanter durablement au Moyen-Orient et dans le monde arabo-musulman en
général, dans un contexte où le gouvernement syrien a été légitimé par la Ligue
arabe comme le vainqueur évident de la guerre civile ayant ravagé ce pays,
malgré le maintien d'une poche de résistance apparemment difficile à réduire
autour d'Idlib et la persistance des empiétements turques sur le territoire
sous l'autorité sans partage de Damas. Avec les Émirats arabes unis et
l'Égypte, la Syrie deviendrait le troisième pays arabophone bricsien.
Le Zimbabwe est situé juste au nord de l'Afrique du Sud, un pays qui est bien plus riche et populeux que lui et dont il est déjà un satellite économique. L'ancienne Rhodésie du Sud a un potentiel énorme, au plan agricole et minier, mais un potentiel qui demeure insuffisamment exploité, à cause surtout d'un problème de mal gouvernance chronique.
Indirectement, ce geste semble impliquer que l'isolement turc, Ankara continuant de ballotter entre un mode otanien crispé autour du conflit ukrainien et un monde eurasien en pleine transformation, va se poursuivre pour encore quelque temps, surtout que l'importance des territoires syriens occupés militairement par la Turquie ne peuvent que rendre les perspectives d'une éventuelle adhésion bricsienne du pays piloté d'une main de fer par le président Erdogan plus incertaines, compliquées et cahoteuses qu'elles ne le sont actuellement.
L'adhésion possible du Vénézuela ne surprend pas dans un contexte où l'Argentine s'emploie à redresser son économie à la tronçonneuse et où le pays du président Madero est en conflit larvé avec une ancienne colonie britannique protégée par Londres et Washington, disposant de ressources pétrolifères considérables et affligé d'un grand territoire peu habité, dont certaines sections sont contestées de longue date et limitrophes du domaine d'une puissance bricsienne majeure, le Brésil.
L'axe andain constitué de la Bolivie, du Pérou et de l'Équateur, une zone montagneuse où les peuples amérindiens dont nombreux et influents, tout en étant aussi minéralement très riche (or, argent, pétrole, lithium, etc.), constitue probablement un secteur où les BRICS pourraient vouloir diriger leur expansion future, dans la mesure où se concrétise l'adhésion du Vénézuela, bien sûr, et où les efforts de Washington pour conserver son influence politique en Amérique latine, considérée comme l'arrière-cour des États-Unis depuis l'ère de la fameuse doctrine Monroe du XIXe siècle, trouvent une résonance dans les gouvernements et les populations se trouvant au sud du rio Grande del Norte, le fleuve qui sépare l'Amérique du Mexique.
Le cas du Cameroun et du Zimbabwe comme membres potentiels de l'association illustre le souhait des BRICS de prendre davantage pied en Afrique noire, secteur qui abrite le tout premier pays à avoir rallier les quatre puissances émergentes qui ont fondé le BRIC originel, soit l'Afrique du Sud. Connu maintenant sous l'acronyme BRICS, cette association économique tend de plus en plus à rivaliser, voire à supplanter éventuellement, les sept pays occidentaux regroupés sous la dénomination de G-7.
Juste au nord du Zimbabwe, se trouve la Zambie, république agricole comptant plusieurs villes exploitant le cuivre dans une importante zone minière partagée avec le Congo démocratique, un pays planté au cœur de l'Afrique noire, souvent qualifié de "scandale géologique" à cause du potentiel impressionnant de son sous-sol, disposant d'un territoire gigantesque et où prend place une importante expansion démographique. Kinshasa est présentement confronté avec une rébellion fomentée par le Rwanda dans le nord-est, tout en étant politiquement affilié à la France et économiquement lié à la Chine par un important contrat minéralier, d'ailleurs récemment renégocié favorablement auprès de Beijing, améliorant les perspectives à long terme de ce pays-continent.
Le choix du Cameroun surprend un peu au premier abord, mais doit sans doute se conprendre à la lumière des bouleversements géopolitiques en cours. La soudaine irruption de l'influence russe en Afrique, notamment dans la région sahélienne et au Centrafrique, pays situé entre le Sahel, la vallée du Nil et le bassin congolais, dans le sillage de la continuation de la guerre ukrainienne et la montée de l'insécurité djihadiste dans la zone sahélienne, troublent la nature actuelle des relations sino-chinoises et, dans un sens plus large, les relations présentes et à venir entre l'Empire du Milieu et l'Europe continentale dans son ensemble. Tout cela induit très certainement Beijing, capitale du pays le plus influent des BRICS, à privilégier la voie des petits pas envers la France et l'Union européenne, afin de ne se mettre à dos ni Paris, d'une part, ni Bruxelles, d'autre part.
Important pays de l'Afrique subsaharienne francophone, le Cameroun jouxte le Nigéria, géant démographique en passe de devenir un véritable colosse au niveau de sa population et de son économie, l'une et l'autre déjà parmi les plus importantes du continent africain. Une inclusion dans le monde bricisien est certainement dans les cartes pour le Nigéria, mais la crise sahélienne et l'inconfort français devant la nature et la tournure des événements récents perturbent les eaux diplomatiques dans l'immédiat, tout comme les conflits persistants dans la Libye post-gaddafienne et le Soudan post-partition, deux contrées se trouvant entre l'Égypte bricsienne et le reste du continent africain et faisant donc obstacle aux futurs corridors de transport et de communication à établir entre l'Extrême-Orient asiatique et les extrémités de l'Afrique, à l'ouest et au sud.
Une intégration du territoire camerounais au monde bricsien, cela dit, permettrait à celui-ci de commencer à se rapprocher à la fois de l'Afrique occidentale, à l'ouest, et de la cuvette congolaise, au sud et au sud-est, dont l'immensité est couverte en grande partie par les forêts tropicales du Congo démocratique, sans trop froisser les susceptibilités de Paris, grandement échaudé par sa mésaventure sahélienne, ni trop décevoir les espoirs grandissants d'Abuja ou trop indisposer les attentes considérables de Kinshasa.
Une éventuelle quatrième cuvée de nouveaux pays bricsiens, que ce soit dès l'année prochaine, 2025 ou plus tard, pourrait très bien devenir le moment de resserrer davantage les liens entre A) les cinq pays du BRICS, plus les petits nouveaux que sont l'Égypte et l'Éthiopie, et B) des pays africains aussi importants et prometteurs au plan économique que le Maroc, l'Algérie, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Congo démocratique, etc.
Il convient ici de souligner que les divers pays de l'Afrique orientale
(Soudan du Sud, Somalie, Kenya, Ouganda, Tanzanie, Rwanda) semble de plus en
plus se déployer et s'orienter, en matière géopolitique, en fonction
d'intérêts, de besoins et de conceptions relevant des pays du monde
anglosphérique, alors que les pays anglophones d'Afrique occidentale, égrenés
d'ouest en est le long de la côte de Guinée, ne peuvent ignorer ou sous-estimer
les spécificités de l'environnement géoculturel où ils évoluent, pas plus que
les contraintes qui en naissent au niveau de leur développement économique
futur et des éventuels besoins d'adaptation au milieu qui pourraient en
découler.
Enfin, pour ce qui est du Pakistan, du Sri Lanka et de la Thaïlande, trois importants pays de la bordure sud de l'Asie pouvant aussi se joindre aux BRICS, leur adhésion permettrait de mieux lisser la partie eurasienne de cet ensemble, d'autant que le Sri Lanka, de plus petite taille, pourrait bien être utile aux visées stratégiques de la Chine, déjà confortées par les liens existants avec les gouvernements pakistanais et birmans.
Un Pakistan bricsien (si l'Inde ne met pas son holà à l'addition de cet allié de la Chine qui, précisons-le d'emblée, fait aussi partie intégrante de l'Organisation de coopération de Shanghai, un groupement à caractère surtout sécuritaire) permettrait aux BRICS de se donner comme membre un pays populeux, détenant l'arme nucléaire et pouvant faciliter les liaisons logistiques entre le monde culturel iranien, le monde culturel hindou, l'Asie centrale et l'Extrême-Orient, en plus d'être apte à devenir un centre manufacturier aussi majeur et prometteur que l'Inde, du fait de ses salaires relativement faibles.
Situé dans l'océan Indien, juste au-delà de la pointe sud de l'Inde, le
Sri Lanka participe à la fois du sous-continent indien, de par sa géographie,
et de l'Asie du sud-est continentale, de par sa culture bouddhiste, arrivée
dans les bagages des migrants banglas d'antan qui, en se joignant à la
population tamoule déjà en place, sont à l'origine du peuple cinghalais actuel,
prédominant sur cette île multiethnique située au carrefour des voies
commerciales de l'antiquité asiatique. Ici aussi, l'attitude de l'Inde sera
vraisemblablement déterminante au niveau de la matérialisation effective de
l'accession du Sri Lanka au statut de pays bricsien.
Enfin, la candidature de la Thaïlande, contrée sise entre le Myanmar, à l'ouest, et le duo que forment le Laos et le Cambodge, au long de la vallée du Mékong, à l'est, ainsi qu'entre le Yunnan chinois, au nord, et la partie continentale du Malaysia, au sud, son accession éventuelle aux pays du BRICS permettrait à cette association de faire une première entrée dans le concert des nations situées au sud-est du gigantesque continent asiatique (regroupées dans une association connue sous son acronyme anglais ASEAN). Les dix contrées de cette région très populeuse, centrée autour des grands pays de culture malaise que sont l'Indonésie et les Philippines, sans oublier le Vietnam réunifié, tous ces pays étant en plein essor économique et commercial.
Entre autres, le goulot d'étranglement que constitue le détroit de
Malacca est appelé à prendre une importance encore plus grande au cours des
prochaines décennies, tout comme le détroit de Taiwan, le détroit d'Ormuz, la
mer Rouge, le canal de Suez et le détroit de Bab el-Mandeb, sans oublier la mer
de Chine méridionale et l'océan Indien qui lient toutes ces voies navigables
stratégiques.
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PLUS: @charles.millar3 (X-Twitter)
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