L'AMÉRIQUE D'HIER, L'AFRIQUE D'AUJOURD'HUI, L'ARCHIPEL DE DEMAIN...
Le tissu social de l'Afrique noire est très différent de celui de l'Amérique du nord. Il est d'abord bien plus diversifié, que ce soit aux plans linguistique, ethnique, culturel ou, même, génétique. C'est d'ailleurs l'endroit qui, au monde, fait preuve de la plus grande diversité génétique possible et imaginable. Le concept même de société, dans le contexte africain, doit être explicité pour qu'il soit bien compris. En gros, l'Afrique noire ne constitue pas en elle-même une société. Il n'y a pas non plus de société qui corresponde à l'ensemble d'un pays africain, tout simplement parce que le concept d'État-Nation ne s'applique pas vraiment à l'Afrique noire.
La grande majorité des pays africains (il y a des exceptions ici et là, comme le Rwanda et le Burundi, entre autres) sont en fait des sortes d'empires multiethniques, un peu à l'image de l'Union soviétique d'autrefois, mais sur une surface géographique bien plus réduite. D'une certaine manière, presque chaque pays d'Afrique noire, même une contrée toute petite, est aussi vaste qu'un empire, à sa façon.
Un pays de très petite taille, comme le Bénin, avec une population approchant la douzaine de millions d'habitants, regroupe de 40 à 44 micro-sociétés bien distinctes et bien différenciées entre elles, correspondant aux multiples peuples qui forment la population nationale, c'est-à-dire les tribus/micro-sociétés qui parsement le territoire et qui, avant la colonisation européennes, constituaient autant de royaumes en butte les uns contre les autres. Un pays de taille moyenne comme le Cameroun, avec une population assez semblable à celle du Canada, compte de 100 à 120 micro-sociétés. Enfin, un pays de grande taille, comme la République démocratique du Congo, par exemple, avec une population énorme de plus de 105 millions d'habitants, a un nombre de tribus (micro-sociétés) tellement élevé que certains habitants n'osent même pas en donner un estimé.
Ces tribus (ou encore micro-peuples) sont très vigoureuses et s'enracinent profondément dans un territoire très bien défini, remontant parfois à des siècles. Pour donner un exemple concret, il existe, englobé dans le territoire municipalisé de Cotonou, la grande métropole économique du Bénin (pour avoir une idée de la relation entre cette ville et ce pays, pensez au poids de Montréal dans le contexte québécois), il existe, donc, une péninsule qui s'avance dans l'Atlantique et constitue le foyer d'une toute petite tribu de pêcheurs vivant là depuis des millénaires.
Les habitants de cette tribu parlent leur propre langue, ont leurs propres coutumes et traditions et ont leur propre mémoire collective. Ils formaient autrefois un micro-royaume, avec tous les attributs afférents à une telle entité politique, soit un roi, une famille royale, une cour et une très minuscule armée. Les résidents vivant dans les quartiers voisins, à Cotonou (une ville où, pourtant, toutes les nations du Bénin se côtoient sans trop d'anicroches), évitent soigneusement de mettre les pieds sur le territoire tribal de ce micro-peuple, tout simplement parce qu'en Afrique, il est mal vu de fouler un sol appartenant à un groupe ethnique qui n'est pas le sien, à moins d'y être invité ou d'avoir une bonne raison d'y aller. C'est une question de respect des formes et des formalités. Pour bien comprendre la mentalité africaine à cet égard, il suffit de songer à quel point il serait malaisant pour quiconque de pénétrer dans la maison de son voisin et de s'y promener à son insu. C'est exactement le même principe.
Il est fréquent, dans la culture populaire, de concevoir l'Afrique noire comme une zone surpeuplée, croulant sous le poids d'une pauvreté sans nom, trébuchant de famines en révolutions, au milieu de guerres civiles et d'une misère généralisée, accablée par un sous-développement chronique. C'est ne rien comprendre à ce continent merveilleux, extraordinaire, incontournable pour qui veut bien comprendre la nature profonde de l'histoire humaine, à la fois dans son passé, son présent et son avenir prévisible. La réalité est bien différente.
En réalité, l'Afrique est si vaste, si grande en taille, que se promener sur les routes nationales du Bénin, dans le sud de ce pays, là où se concentre pourtant le plus gros de la population fortement agricole qui y vit, c'est voir à pertes de vue de grandes étendues de forêt, presque vierge, à peine entrecoupées ici et là de champs cultivés, de villages et de petites villes. Le minuscule Bénin, voisin de l'énorme Nigéria (souvent surnommée la Chine africaine) à l'est, du Niger gigantesque au nord-est, du vaste Burkina Faso au nord-ouest et du Togo (un peu plus petit en superficie) à l'ouest, a une densité de population très élevé et cela peut laisser croire qu'il est noir de monde (sans jeu de mot facile), mais il n'en est rien. Tout est relatif, ici comme en toutes choses, et la terre béninoise est suffisamment vaste, fertile et nourricière pour accueillir une population bien plus grande que celle qui y vit présentement. C'est la même chose partout en Afrique, même au Sahel, souvent considéré en Occident comme une zone sèche et peu accueillante.
L'Afrique noire compte présentement une population d'environ un milliard d'individus, chiffre qui devrait passer à quatre milliards d'ici la fin du siècle. Concrètement, cela signifie que les Africaines et les Africains considèrent leurs perspectives d'avenir suffisamment favorables, que ce soient aux plans économique ou politique, pour justifier le rehaussement à long terme de la population, appelée à être éventuellement multipliée par quatre. Effectivement, le potentiel économique de l'Afrique est énorme. Même si le climat est pestilentiel et même dangereux pour qui n'y a pas vu le jour, la terre est très fertile et le sous-sol est incroyablement et scandaleusement riche.
Une fois dotée, avec l'aide de la Chine (et de l'Europe) d'un appareil plus complet en termes d'infrastructures de base, l'Afrique noire aura la capacité de devenir éventuellement un pôle de croissance économique pouvant éclipser tout ce que l'on a vu jusqu'ici (et que l'on verra au cours des prochaines décennies) en Chine, en Inde, au Japon ou ailleurs. Quatre milliards d'habitants, à terme, cela signifie tout simplement -et ce n'est pas rien- que l'Afrique noire abritera alors près de la moitié de la population humaine. Elle deviendra donc, tout à la fois, la toute nouvelle Asie (le continent le plus peuplé d'aujourd'hui) et la toute nouvelle Amérique du Nord (le continent le plus riche d'aujourd'hui).
L'avenir de l'espèce est en Afrique noire, tout comme l'était son passé, ancré dans la nuit des temps. Curieusement, cela permettra à l'humanité de faire un genre de retour aux sources et de se recentrer sur ce qu'elle a de mieux, les peuples originels du continent africain, le lieu même où l'espèce a vu le jour il y a un certain nombre de millions d'années. L'humanité, ainsi, en quelque sorte, entreprendra un grand ménage dans son dispositif planétaire, avant de se tourner vers sa prochaine tâche, accélérer et multiplier les gestes menant à la colonisation progressive de l'outre-espace, en commençant par le système solaire, à travers l'océan éthéré entourant Terra, la planète des origines.
Schématiquement, la géographie de la planète, sur le plan de l'histoire humaine, est très simple. Faisons, non pas la géopolitique du monde, mais la géohistoire du globe. Selon cette discipline à naître, il y a d'abord le continent des origines, situé bien au centre, là où nous sommes nés en tant qu'espèce, là où celle-ci s'est lentement, très lentement, constituée au fil des millénaires, c'est-à-dire l'Afrique, plus précisément ses régions sises à l'est et au sud, le long du fameux Rift. Ce continent peut donc être considéré comme le Nombril-Originel, le Continent-Mère, l'Ancien-Monde, le Foyer central, etc. Tout autour de l'Afrique, disposés comme les éléments constitutifs d'une couronne royale, se trouvent présentement (il faut évidemment tenir compte de la tectonique des plaques), se trouvent présentement, donc, une série de continents, au peuplement plus récent, remontant à peine à peut-être 40 000 ou 50 000 ans, guère plus.
Ces continents, d'ouest en est, se dénomment Amérique du Sud, Amérique du Nord, Europe, Asie et Australie. Ces continents, périphériques et donc assez secondaires, que sont venues peu à peu habiter des peuples divergents, issus des Tout-Premiers-Peuples, ceux vivant en Afrique depuis l'aube des temps, peuvent être considérés comme Les-Territoires-Nouvellement-Découverts, les Continents-Enfants, les Foyers-des-Alentours, les Continents-du-Voisinage, le Nouveau-Monde, etc.. L'Antarctique, selon la même logique, pourrait être rebaptisé du nom de Pôle-du-Sud.
De même, il conviendrait un jour de rebaptiser les océans, en fonction de cette nouvelle conception géographique, plus en phase avec ce que nous savons maintenant de l'histoire passée, présente et future du monde. L'océan Indien est donc en réalité l'océan Oriental, alors que l'Atlantique est bien sûr l'océan Occidental. L'océan Pacifique est tout bêtement l'océan des Antipodes. Les océans Arctique et Antarctique pourraient conserver leurs appellations actuelles mais pourraient aussi (pourquoi pas?) être appelés l'océan du Pôle-du-Nord et l'océan du Pôle-du-Sud.
Maintenant, pour ce qui est de l'Outre-Espace, soit l'Espace-Extérieur, le territoire sidéral commençant outre (i.e. au-delà) des limites de l'atmosphère terrestre, la Lune et Mars (sans oublier les deux satellites de cette planète) sont les astres qui seront très certainement colonisés en premier par l'espèce. Ces astres ne devraient pas être rebaptisés et pourraient toutefois être appelés (poétiquement ou administrativement, c'est selon) les Astres-de-la-Première-Frontière.
Pour ce qui est de Vénus, cette planète sera probablement très difficile à coloniser, voire carrément impossible, à cause de ses caractéristiques physiques propres, notamment la composition très toxique de son atmosphère, empêchant l'établissement d'autres choses que de stations automatisées ou de bases de recherche de très petite taille ou de bases en position orbitale. Dans le cas de Mercure, par contre, les perspectives d'implantation sont en comparaison bien plus favorables. Les deux corps célestes devraient donc être considérés comme le secteur des Astres-de-la-Frontière-Intérieure, soit les astres se trouvant entre Terra et Sol.
Par analogie, les Astres-de-la-Frontière-Extérieure seraient constitués de ceux (planètes, astéroïdes, satellites, etc.) qui s'étendent de l'orbite martienne aux lointains confins baignant dans l'éclat et la lumière de Sol, l'étoile actuelle de l'humanité naissante, celle qui commence tout doucement à surgir de son berceau terrestre pour entreprendre la plus grande des colonisations, la plus belle des aventures.
L'auteur de ces lignes n'assistera sans doute qu'aux balbutiements de cette grande aventure, celle-ci ne faisant que commencer à s'élancer timidement, mais ses enfants et ses futurs petits-enfants y participeront certainement, à leur façon, ne serait-ce que comme citoyens contribuant au budget du super-pays qui, un jour, espérons-le, couvrira l'ensemble de la surface de la Terre-des-Hommes, la Terra des Humains, la planète qui constitue présentement notre Tout-Premier-Astre.
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