BRICS: DE CINQ À... 11 MEMBRES ?
L'information fuite au
compte-gouttes concernant la prochaine rencontre des BRICS, en août, à
Johannesbourg (Afrique du Sud), et plusieurs scénarios circulent.
Cette alliance économique mise
sur pied il y a des années, composée initialement de quatre pays (Chine,
Russie, Brésil et Inde), puis d'un cinquième (Afrique du Sud), connaît un
succès grandissant et suscite l'intérêt de nombreux pays souhaitant y adhérer.
Sur la trentaine de pays intéressés à se joindre à cette alliance et les
dix-neuf ayant formellement demandé d'y adhérer, seuls six doivent être choisis
lors de cette conférence, selon un scénario particulièrement vraisemblable.
Si cette information est exacte,
les six pays ont question auront été soigneusement sélectionnés par les six
membres actuels, il va sans dire. Ces six pays, en vrac, seraient donc l'Égypte,
l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bharein, l'Indonésie
et l'Argentine.
Les quatre premiers pays cités
sont des pays arabo-musulmans. Ce n'est pas anodin.
L'Égypte, en particulier, est le
plus populeux des pays arabes. À cheval entre deux continents, l'Asie et
l'Afrique, il détient les clés des voies terrestres actuelles et futures
unissant ces très vastes espaces (respectivement le plus vaste et le deuxième
plus vaste de tous les continents du globe), ainsi que les clés du passage
obligé entre la mer Méditerranée à la mer Rouge, via le canal de Suez.
Du coup, il constitue aussi un
verrou commandant le passage entre la partie nord de l'océan Atlantique, zone
particulièrement vitale pour l'Organisation du traité de l'Atlantique nord
(OTAN), et l'océan Indien, zone particulièrement vitale pour le transport des
hydrocarbures et autres marchandises entre la partie occidentale et la partie
orientale de l'Eurasie, plus spécifiquement entre:
- le sous-continent européen, le monde panrusse et le Moyen-Orient
(incluant évidemment le golfe Persique) et,
- le sous-continent indien, le Sud-Est asiatique et l'Extrême-Orient.
Les trois autres pays
arabo-musulmans se situent sur (ou tout près de) la péninsule arabique. Ils
bordent notamment la côte sud du golfe Persique, l'Iran bordant la rive nord.
Leur participation ferait en sorte de transformer le golfe Persique en véritable
mer intérieure, presqu'un club privé. Les installations américaines au Qatar
seraient ainsi, du coup, neutralisées et, à terme, impossibles à maintenir. La
base de Diego Garcia ferait une bien piètre alternative, car trop petite, trop
éloignée et trop aléatoire (du fait des revendications mauriciennes sur cette
possession).
Ces trois pays représentent une
force économique majeure, notamment à cause de l'importance actuelle des
hydrocarbures, mais ils ressentent aussi le besoin concomitant de diversifier
leur économie et de préparer leur sortie du secteur des énergies fossiles. Dans
un tel contexte, quoi de mieux que de chercher à tirer partie de leur position
géographique avantageuse, en vue de se brancher directement sur le flux des
futurs échanges commerciaux entre l'Afrique et l'Asie.
L'Afrique, pour mémoire, est un
continent en plein essor démographique et économique, tout à la fois, alors que
l'Asie abrite trois des quatre pays les plus populeux du monde (l'Inde, la
Chine et l'Indonésie). La Chine est populeuse, certes, mais elle vient tout
juste de passer le pic de sa courbe démographique et se trouve en début de
phase descendante, au point d'avoir été tout récemment devancée par l'Inde.
Cependant, l'Empire du milieu poursuit encore son ascension économique, tenant
le cap sur la première position. Pour leur part, l'Indonésie et, surtout,
l'Inde sont des pays qui sont relativement moins riches au plan économique,
mais qui poursuivent leur essor et se trouvent aussi en pleine phase ascendante
au plan démographique.
Les échanges commerciaux, particulièrement
terrestres, entre les deux plus vastes continents de Terra sont appelés à
s'intensifier à l'avenir. Pour leur plus grand bonheur, les pays
arabo-musulmans se trouvent entre l'Asie et l'Afrique et accueillent deux
corridors naturels pouvant assurer une plus étroite liaison entre ces
continents.
Un de ces corridors est
entièrement terrestre de bout en bout, alors que l'autre ne l'est que
partiellement. Le premier passe par la péninsule du Sinaï et l'autre doit
emprunter en diagonale la péninsule arabique, puis traverser le goulot
d'étranglement naturel que constitue le détroit de Bab el Mandeb, entre le
Yémen et Djibouti.
Cet obstacle pourrait
éventuellement être franchi en aménageant une combinaison de ponts et de tunnels,
voire en mettant en place un service de traversiers pouvant assurer le passage
de voitures et de camions, ainsi que de trains de passagers et/ou de
marchandises. Dans ce dernier cas, il serait question ici de traversiers
pouvant déplacer un train de plusieurs wagons, comme celui qui circule entre le
port de Rimouski et la région de la Côte-Nord, de part et d'autre du fleuve
Saint-Laurent, dans la province de Québec (la plus vaste du royaume canadien),
mais en bien plus gros, bien sûr, le volume éventuel des marchandises à
déplacer d'une rive à l'autre étant d'une toute autre dimension.
À signaler que l'implantation
d'une base militaire à Djibouti, par la Chine, il y a quelques années, doit
sans doute s'interpréter à la lumière des événements récents et de ceux qui
sont prévisibles. Il est probable que les joueurs de go qui règnent sur l'équivalent
contemporain de la Cité interdite d'antan réussissent à penser plusieurs coups
à l'avance, un peu comme apprennent à le faire les meilleurs joueurs
d'échecs...
En ce qui concerne l'Indonésie,
il s'agit ici d'un pays malais qui est fort peuplé et dont l'avenir économique
est prometteur. Les Indonésiens habitent un archipel de taille imposante,
comptant des milliers d'îles, dont celles qui se succèdent de Sumatra à Timor,
formant un arc qui rejoint la pointe occidentale de l'île de la
Nouvelle-Guinée. Cet ensemble allongé forme ce qui est communément appelé la barrière
malaise.
Cette expression, par ailleurs,
est particulièrement appropriée par les temps qui courent, puisque ladite
chaine d'îles constitue aussi un obstacle naturel séparant l'Australie du
continent asiatique, en général, et de Taiwan, en particulier. Des bâtiments de
guerre australiens, par exemple des sous-marins aukusiens basés
à Perth, en Australie-Occidentale, pourraient ainsi se voir obligés de
contourner ce cordon d'îles et de devoir ainsi franchir une très longue
distance avant de pouvoir 'accéder à l'océan Pacifique, s'il y avait un jour
une crise suscitée par une (encore très éventuelle) invasion de la province
rebelle de Taiwan. Une contrainte du même ordre pourrait aussi, pour la même
raison, s'appliquer à des forces aériennes basées en Australie.
C'est évidemment dans un tel contexte qu'il faut
concevoir et interpréter les ententes récemment conclues entre les États-Unis
et l'État souverain de Papouasie Nouvelle-Guinée (correspondant à la partie
orientale de la grande île dénommée Nouvelle-Guinée et à un ensemble de
plusieurs petite îles, gisant vers l'est). En termes clairs, la partie
nord-américaine du monde anglosphérien (soit les USA et le Canada) tient à assurer et protéger sa jonction avec la partie
océanienne du même monde (soit l'Australie et la Nouvelle-Zélande).
Enfin, l'Argentine serait le
sixième pays à se joindre aux BRICS, dans le cadre de ce qui n'est sans doute
que la première vague d'expansion de cette association à vocation économique.
Il y a peut-être ici un parallèle à faire avec les vagues successives
d'expansion de l'OTAN vers l'est au cours des dernières décennies. Quoi qu'il
en soit, l'acceptation de ce pays par les BRICS constituerait certainement un
bon coup, de leur point de vue.
Plus importante puissance
économique du cône sud du continent sud-américain, ce pays partage aussi une
courte frontière avec le Brésil, membre fondateur des BRICS et géant
d'expression portugaise, bien que fiché dans un milieu géographique fortement
hispanophone. Entre les deux, le minuscule Uruguay se verrait en quelque sorte
englobé dans le champ d'influence de l'alliance, par la force des choses, mais
sans en faire formellement partie, du moins pour l'instant. Une situation
semblable surviendrait au Paraguay, petit pays entièrement encerclé par ses
deux vastes voisins, le Brésil et l'Argentine, sauf vers le nord-ouest, là où
se trouve la Bolivie, dont la population est surtout andine.
En acceptant la demande formelle
d'adhésion déposée par l'Argentine, l'alliance économique qui regroupent les
BRICS ferait une percée importante dans l'hémisphère américain. Pays
potentiellement riche mais empêtré dans des problèmes financiers majeurs, l'Argentine
pourrait avantageusement bénéficier d'une telle adhésion. Celle-ci
constituerait aussi, en pratique, un genre de pied de nez au géant américain,
habitué depuis longtemps à considérer l'ensemble de l'hémisphère comme sa zone
réservée, sa cour arrière, pour ainsi dire.
* * *
https://watcher.guru/news/6-new-countries-to-join-brics-alliance-in-august-summit
* * *
PLUS: @charles.millar3 (Twitter)
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Bonjour, tous les commentaires sont acceptés, dans la mesure où ils sont d'ordre professionnel. Insulteurs s'abstenir...