CUITO-CUANAVALE: LE GETTYSBURG AFRICAIN

 

L'agglomération de Cuito-Cuanavale, avec le site du mémorial érigé en commémoration de la trop peu célèbre bataille.

Une bataille ayant eu lieu en 1988, presqu'oubliée aujourd'hui, a joué un rôle déterminant dans la libération de tout le sud de l'Afrique.

Il s'agit de la bataille de Cuito-Cuanavale, survenue dans le sud-est de l'Angola, du 12 au 20 janvier 1988, entre deux factions angolaises ennemies, soutenues l'une par Cuba, alliée de l'Union soviétique, et l'autre par l'Afrique du sud, alliée des États-Unis.  Les deux factions ennemies étaient le MPLA (Mouvement populaire de libération de l'Angola), au pouvoir, et l'UNITA (Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola), un parti d'opposition soutenue par les pays occidentaux et le régime sud-africain, un pays gouverné alors par un parti politique contrôlé par la minorité blanche afrikaner.

Considérée comme le plus grand affrontement militaire survenu sur le continent africain depuis la bataille d'El Alamein (Deuxième guerre mondiale), la bataille de Cuito-Cuanavale est presqu'entièrement absente de la conscience populaire aujourd'hui, alors que son importance est pourtant considérable. La bataille a en effet une valeur symbolique qui dépasse largement le nombre de soldats ou de chars d'assaut impliqués.

Pour comprendre l'importance de cet affrontement, il faut mettre les choses dans leur contexte et rappeler que le mouvement de décolonisation, en Afrique, a surtout fait sentir son effet dans les années 50 et 60, avec la naissance de la plupart des pays africains d'ajourd'hui. Par contre, toute la zone sud du continent est restée aux mains des pays étrangers et des descendants d'Européensl pendant encore des décennies, pour plusieurs raisons. D'abord, la décolonisation portuguaise ne s'est produite qu'en 1975, dans la foulée d'une révolution politique au Portugal. Les colonies portuguaises d'Afrique occidentale (Angola) et d'Afrique orientale (Mozambiqque) sont alors devenues nominalement indépendantes. Deux partis proches de Moscou ont pris le pouvoir dans ces deux colonies, en 1975, déclenchant immédiatement une riposte occidentale. Cette riposte s'est traduite par le soutien de forces politiques hostiles aux nouveaux gouvernements, soit l'UNITA angolaise et le FRELIMO mozambicain, lesquels ont essentiellement ravagé l'arrière-pays pendant des années, avec le soutien actif des Sud-Africains et des Rhodésiens blancs.

L'occupation portuguaise de l'Angola et du Mozambique avaient en effet eu comme conséquence de couvrir et protéger des territoires contrôlés par des populations d'origine européenne, tel que l'ancienne Rhodésie (devenue aujourd'hui le Zimbabwé), l'Afrique du Sud (avec une population afrikaner assez importante, détenant le pouvoir réel, plus une minorité anglophone assez riche et jouant un peu le rôle d'opposition semi-officielle et de nombreux peuples noirs pauvres et privés du droit de vote) et le Sud-Ouest africain (l'actuelle Namibie, alors un territoire contrôlé par l'Afrique du Sud et où vivaient aussi d'importantes populations d'origine afrikaner et allemande).

En d'autres mots, tout le cône sud de l'Afrique échappait encore à la décolonisation, soit les cinq pays que sont aujourd'hui l'Angola, la Namibie, le Zimbabwé, l'Afrique du Sud et le Mozambique. L'Afrique libre s'arrêtait en quelque sorte à la Zambie, sur la rive nord du fleuve Zambèze.

Véhicule de combat sud-africain Ratel-90. Les Cubains, eux, disposaient de chars T-55, de fabrication soviétique.

Le déroulement de la bataille de Cuito-Cuanavale a relativement peu d'importance. Ce qui importe, c'est surtout son issue et l'impact déterminant qu'elle a eu, d'abord pour la libération complète de l'Angola, ensuite pour la libération conséquente du Sud-Ouest africain, base arrière de l'UNITA et des unités militaires sud-africaines de l'époque, enfin pour la libération finale de l'Afrique du Sud, grâce aux négociations survenues entre le Congrès sud-africain de Nelson Mandela et le gouvernement sud-africain de l'époque, dominé par un parti politique contrôlé par les Afrikaners. Ces négociations, pour le dire en peu de mots, ont permis aux peuples noirs d'Afrique du Sud de prendre enfin le pouvoir (grâce à leur nombre déterminant) mais ce, d'une façon pacifique, sans aucun bain de sang.

La situation raciale de ce pays était telle, à l'époque, que le déclenchement d'une guerre civile à connotation raciale aurait été possible. Tous les ingrédients d'une telle catastrophe étaient en effet en place. Une telle guerre civile aurait évidemment mis l'Afrique du Sud à feu et à sang, ce pays étant le foyer de nombreuses populations aux intérêts divergents. Il s'y trouve en effet un pot-pourri composé d'une multitude de peuples et de populations, dont des nations bantoues, des centaines de milliers d'Indiens (et, de nos jours, un nombre croissant de Chinois), des Malais, des Hottentots, des Bochimans, mais aussi des descendants de Britanniques, d'ex-colons portuguais et d'Afrikaners. Ces derniers sont issus des Hollandais arrivés au Cap aux XVIIe et XVIIIe siècles, à peu près au même moment où, descendant la côte de l'océan Indien vers le sud, survenaient les premières confédérations bantoues, soit les Xhosas et, derrière eux, les Zoulous. L'impact frontal entre ces peuples en mouvement a déclenché toute une série d'affrontements, suivie éventuellement d'une projection des Afrikaners (on disait les Boers à l'époque) vers l'intérieur (i.e. le Grand Trek), dans le but d'échapper aux Britanniques (qui venaient de prendre le contrôle du Cap), tout en évitant les Bantous de la côte est.

Les Afrikaners, donc, parlant une langue dérivée du Hollandais mais distincte, la seule langue germanique née en Afrique, constituent aujourd'hui le seul peuple blanc originaire d'Afrique noire. Ces Africains blancs qui se considèrent eux-mêmes comme une tribu blanche vivent aujourd'hui en paix, dans leur patrie d'origine, l'Afrique du Sud, formant une partie de l'arc-en-ciel multinational qui constitue ce pays complexe, composé de populations originaires d'Europe, d'Afrique et d'Asie.

Cuito-Cuanavale, en un sens, est le Gettysburg africain. La bataille de Gettysburg a en effet marqué le point tournant de la guerre de Sécession américaine, présageant la fin de la Confédération sudiste, de ses politiques raciales et de son économie basée sur l'esclavage. Cuito-Cuitanavale, de même, a ouvert la voie à la fin de la subjugation de tout le sud de l'Afrique, encore aux mains des blancs à cette époque, qu'il s'agisse des Portuguais, des Britanniques ou des Afrikaners.

Tout cela jete une lumière intéressante sur les soldats latino-américains impliqués dans la bataille de Cuito-Cuanavale, des troupes cubaines souvent qualifiées à l'époque de simples mercenaires à la solde des Soviétiques (notamment par le gouvernement américain du très conservateur Ronald Reagan). Les Cubains, au fond, vus sous cet angle, ont servi de fer-de-lance à un combat d'une importance capitale, une bataille permettant de mener à son terme la dernière phase de la décolonisation africaine, entraînant la libération de tout le cône sud de l'Afrique, ce continent où est né l'humanité il y a des millions d'années...

VIVA CUBA! CUBA SI! VIVA FIDEL CASTRO! VIVA LA REVOLUCION SOCIALISTA!

Commentaires

  1. Je dois relire le texte, afin de bien le saisir!

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  2. Le frère de Fidèle a pris sa retraite c'est la fin du règne de la famille Castro!

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