LE FRANÇAIS D'EUROPE, D'AMÉRIQUE ET D'AFRIQUE

(L'article ci-dessous est le fruit d'un partenariat entre ce blog et l'organisme Slimmersion-France, un groupement d'établissements gérés par des professeurs de français et accueillant des visiteurs étrangers en France, dans le but de leur enseigner notre langue. Ces établissements sont situés un peu partout sur le territoire français, de Paris à la Provence, de la Bretagne au Pas-de-Calais, etc. Le site de l'organisme, slimmersion-france.com , attire de nombreux visiteurs chaque jour. L'organisme est en train de préparer une grande bibliothèque de ressources gratuites (vocabulaire, grammaire etc.) en ce sens. Les membres de l'organisme ont aussi un blog qui diffuse des informations éducatives sur la langue française et ses cultures, tout cela dans un esprit léger et positif, sans faire de politique dans un sens ou dans un autre. Bonne lecture!)

Les diverses variétés du français dans le monde, selon une étude de l'Université Concordia (Montréal).

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LE FRANÇAIS D'EUROPE, D'AMÉRIQUE ET D'AFRIQUE...

La langue française est à la fois multiple et unique.

Elle est unique en ce sens qu'elle est régie par l'Académie française (France) et l'Office de la langue française (Québec) et doit se conformer à un cadre très strict et rigoureux. Elle est multiple en ceci qu'elle est fréquemment le jouet de locuteurs ingénieux et créatifs (Prévert, Sol, etc.), qu'elle est fréquemment détournée de son cadre classique, (verlan, argot, jargon, joual, etc.), qu'elle subit constamment l'influence de langues étrangères (notamment l'anglais), tout en influençant elle aussi d'autres langues, qu'elle se décline en divers dialectes, patois et parlures régionales, qu'elle dérive parfois en devenant des créoles qui, à leur tour, parfois, peuvent devenir des langues à plein titre (à l'exemple de la langue haïtienne, mélange syncrétique de français et de diverses langues ouest-africaines), qu'elle continue d'évoluer dans sa forme, surtout au plan verbal, augmentant ainsi sans cesse la distance avec les textes écrits datant des siècles précédents, etc.

Ce que l'on appelle habituellement le français ''international'', enseigné dans des centaines d'écoles hors de France, est simplement le français standard tel qu'il est parlé dans la région parisienne, habituellement avec l'accent dit ''parisien''. Cet accent sonnant pointu est assez reconnaissable et souvent imité, voire même tourné en ridicule dans certains cas. Il est indissociablement associé à la langue française en général, un peu comme la baguette et le béret sont inséparables de l'image traditionnelle du Français moyen ou le chapeau melon, de l'image typique du Londonien ordinaire.

Outre l'accent parisien, l'accent provençal, celui de Fernandel, est assez reconnaissable, tout comme l'accent wallon (Belgique) ou celui de la Suisse romande. Il est vrai que chaque région et sous-région de la francophonie européenne (jusqu'au val d'Aoste en Italie) avait son accent distinctif, dans un passé assez lointain, à l'image des costumes régionaux traditionnels que portaient les paysans et paysannes à une autre époque, malheureusement disparue. Cependant, l'émergence des médias de masse, comme les journaux, la télévision ou la radio, sans parler de l'Internet, a eu tendance à araser les différences au cours des décennies passées, dans le français écrit et parlé. Ces dernières années, toutefois, avec la curiosité grandissante des individus envers leurs racines et leur provenance ancestrale (pensons à la popularité surprenante des kits visant à reconstituer l'héritage génétique des usagers), un changement d'attitude s'est effectué envers ce qui était autrefois considéré vieillot ou 'ringard'. Il suffit de songer au succès fulgurant d'un film comme ''Bienvenue chez les Ch'tis'', sur la parlure des habitants de l'extrême-nord de la France, pour voir la manifestation de cette nouvelle mode, similaire au besoin de revenir à ce qui est fondamental: l'authenticité, les valeurs de base, le biologique, le terroir, les indigènes, les premiers peuples, etc.

Quand il est question d'accent, il faut souligner que l'accent africain est très difficile à discerner de l'accent parisien et demeure assez constant d'un bout à l'autre de l'Afrique francophone. Pour bien le comprendre, il faut souligner que l'enseignement du français est influencé par la présence d'enseignants formés à l'européenne ou d'origine européenne, ainsi que par la  langue habituellement entendue à la télévision et la radio. Tout cela concourt à créer un accent assez semblable a travers les pays francophones d'Afrique. L'oreille sensible saura cependant discerner une légère différence dans la prononciation, peut-être attribuable à l'existence de consonnes typiquement africaines (le GB, le KP, etc.), très difficiles à reproduire par des bouches plutôt habituées aux langues indo-européennes, de la même manière qu'il est souvent très difficile pour un Français ou un Belge de parler en anglais à la manière d'un Américain ou d'un Britannique.

Il est important de rappeler que le français, en Afrique, n'est qu'une langue d'appoint et n'est pas utilisé fréquemment par les Africains. Un habitant de Cotonou, la métropole économique du Bénin, par exemple, parlera d'abord sa langue maternelle pour communiquer avec sa famille et ses amis intimes. Cette langue sera l'une des 42 ou 44 langues parlées par les différentes ethnies de ce pays. À cela, viendra s'ajouter des langues fréquemment utilisées dans les environs de Cotonou, soit le fon, le mina ou le goun, plus le français, plus (beaucoup plus rarement) l'anglais. La langue maternelle sera celle de tous les jours, employée avec les personnes les plus proches, surtout au plan familial, les gens mariant habituellement des gens de leur propre groupe ethnique. Le français (ou, souvent, le fon, cette langue étant très répandue dans le sud du Bénin) ne sera utilisé que lors des contacts avec des personnes appartenant à un groupe ethnique différent. Dans les campagnes, cependant, la plupart des habitants d'un village ou d'une petite ville passera la plus grande partie de sa vie à fréquenter des gens de son propre groupe ethnique et n'aura donc que rarement l'occasion d'utiliser le français, cette langue ne lui étant réellement utile que lors de visites dans des villes assez grandes pour compter des gens originaires de groupes ethniques différents.

Toujours au niveau des accents, le français parlé en Amérique du Nord compte relativement peu d'accents. L'accent canadien-français (ou franco-québécois) est habituellement considéré assez semblable à l'accent normand, alors que l'accent acadien, pour sa part, est plus chantant et s'inspire plus directement du vieux parler, celui du royaume de France d'avant 1789. Les Canadiens français sont surtout originaires de Normandie, de Bretagne et du Bassin parisien, alors que de nombreux Acadiens proviennent, eux, de la région du sud-ouest, l'Occitanie. Rappelons que l'Acadie a été la première colonie de peuplement française en terre d'Amérique, autour du golfe du Saint-Laurent, jusqu'à la déportation des Acadiens en 1755, laquelle a entraîné la création du peuple cajun en Louisiane, alors que la seconde colonie, plus à l'ouest, le long du fleuve Saint-Laurent, a été arrachée à la France lors de la Conquête de 1759. Ces événements, combinés à la révolution française de 1789, ont introduit une séparation sociale irréversible entre les Français d'Amérique et les Français d'Europe.

Ces différences d'accent s'accompagnent de différences au niveau du vocabulaire usuel, introduisant la notion de dialectes. Les dialectes d'Amérique (le québécois, l'acadien, le cajun) sont dissemblables des dialectes d'Europe, tout comme l'anglais américain, l'anglais britannique et l'anglais australien ont entre eux des différences certaines. Dans un cas comme dans l'autre, cependant, que ce soit pour l'anglais ou pour le français, l'importance de pouvoir communiquer aisément d'un bout à l'autre de la même aire linguistique devrait pouvoir contrebalancer la tendance centrifuge des dialectes à devenir des langues distinctes et différentes. En cela, la trajectoire de ces langues sera sans doute différente de celle du russe,  une langue connaissant des divergences probablement irréversibles entre ses trois grandes composantes ou dialectes d'autrefois (le russe, l'ukrainien, le biélorusse), à l'image du peuple russe lui-même de l'époque d'avant la révolution russe, traditionnellement divisé en trois grands groupes : les Grands-Russes (les plus nombreux, aujourd'hui les Russes), les Petits-Russes (moins nombreux que les précédents, aujourd'hui les Ukrainiens) et les Russes Blancs (ou Libres) (les moins nombreux mais les plus proches du monde européen, aujourd'hui les Biélorusses).

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