VERS UN PONT TERRESTRE CHINE-FRANCE
Les événements récents découlant de la nouvelle alliance anti-chinoise
(US, UK, Australie) illustrent bien qu'au fond, tout se déroule conformément
aux souhaits des maîtres de la Cité interdite.
Les puissances anglo-saxonnes ont été assez
malhabiles dans ce dossier, celui relatif à la création d'une flotte
sous-marine australienne à propulsion nucléaire, et, sans s'en douter, ni,
surtout, sans le vouloir, elles ont réussi à piquer au vif le coq gaulois. Les
conséquences sont prévisibles, bien sûr, mais elles n’auront comme effet réel
que d'accélérer ce qui serait survenu d'une façon ou d'une autre, sans doute
plus lentement et progressivement.
La perte d'un contrat de plusieurs dizaines de
milliards d'euros, concernant la fourniture d'une douzaine de sous-marins à
propulsion conventionnelle (diésel-pétrole), a agi comme un chiffon rouge aux
yeux du taureau français. Les représentants de l'Allemagne se sont empressés de
soutenir la position de la France, tout comme bien ceux de plusieurs autres
pays membres de l'Union européenne, sans parler des représentants des
institutions communautaires européennes.
Les Anglo-Saxons réussiront probablement à
calmer le jeu au cours des prochains jours et des prochaines semaines, du moins
en surface, mais il reste que le découplage entre la partie ''anglo-saxonne''
(USA, Canada, UK) et la partie ''Europe continentale'' de l'OTAN (Organisation
du traité de l'Atlantique Nord), amorcé sous l'ère de Donald Trump, ne pourra
que s'accentuer en conséquence. Ces deux moitiés de l'OTAN continueront
immanquablement de prendre leurs distances de plus en plus et les dirigeants de
l'Empire du milieu ne peuvent que rient présentement sous leurs barbes
collectives.
Il faut rappeler que, depuis le départ du
Royaume-Uni, l'Union européenne s'articule en grande partie autour du tandem
franco-allemand. Ce que ces deux pays décident et préfèrent, par la force des
choses et par effet d'entraînement, induit l'orientation que prendront les
institutions européennes et, par osmose, celle des autres pays appartenant à
l'UE. La France et l'Allemagne, la première par sa force militaire et
politique, la seconde par son poids économique et socio-démographique, sont
incontournables du point de vue de l'Europe continentale et occupent une
position centrale et déterminante.
Au plan géopolitique, il faut distinguer, au
sein de l'UE, trois grandes régions: l'Europe occidentale (autour de la
France), l'Europe centrale (autour de l'Allemagne) et l'Europe orientale
(composée essentiellement des anciennes républiques populaires qui se
trouvaient dans l'orbite de l'ex-Union soviétique et les anciennes républiques
soviétiques qui se trouvaient à l'ouest de la Russie - pays baltes, Biélorussie,
Ukraine, Moldavie - ). La France et l'Allemagne, à elles deux, influencent
décisivement leur secteur respectif. Par contre, l'Europe orientale, pour des
raisons historiques, touchant le côté involontaire de l'occupation soviétique
et la lourdeur de celle-ci), demeure profondément pro-américaine, du moins
présentement.
La Russie, grande alliée de la Chine, tout
comme l'Iran, garde un contrôle serré sur le gouvernement biélorusse, malgré
les souhaits de la population locale, tout en coinçant l'Ukraine entre deux
petites républiques pro-russes auto-proclamées (à l'est), la Crimée reconquise
(au sud) et la Transnistrie pro-russe (à l'ouest). L'action russe est
compréhensible à la lumière des intentions chinoises à long terme. La Biélorussie,
entre autres, est essentielle à la réalisation d'un pont terrestre entre la
Chine (plus particulièrement Chungking, ancienne métropole du Sichuan et
municipalité autonome nouvellement constituée) et l'Europe continentale (plus
particulièrement Paris, capitale de la France, ville-symbole par excellence).
Les fameuses nouvelles routes de la soie, dont
rêve la Chine depuis des années, passeront un jour par la Biélorussie, voire
peut-être l'Ukraine, et relieront éventuellement, au plan économique, l'Empire
du milieu et l'Union européenne, soit un pôle de production de premier plan et
un pôle de consommation tout aussi important. Pour cela, il faudra que l'Union
européenne mette au pas les pays de son flanc oriental, ce qui ne manquera pas
de se produire, au fur et à mesure que la France et l'Allemagne comprendront
que leurs intérêts et les intérêts des pays anglo-saxons (ceux de
l'Anglosphère) sont de plus en plus divergents.
Il faut signaler que les Américains, pas fous,
feront tout ce qu'ils peuvent pour garder l'OTAN en vie. Ils voudront aussi,
très certainement, garder une présence militaire en Europe. Ils pourront le
faire sans problème avec le Royaume-Uni, ancré au large de la France, tel un
porte-avion ou un avant-poste de l'Anglosphère. Pour ce qui est de l'Union
européenne, cette perspective est de plus en plus douteuse. Un coup d'oeil sur
la carte de la répartition des effectifs américains en Europe donne d'ailleurs
une idée du dispositif US, présentement, avec de fortes concentrations de
troupes en Allemagne et en Italie. L'identité de ces deux pays (les deux
puissances vaincues de l'Axe en Europe) n'est pas surprenante si l'on tient
compte que l'Allemagne se trouve au beau milieu de la grande plaine qui couvre
toute l'Europe du Nord et que l'Italie occupe une place centrale au plan
maritime, au cœur de la mer Méditerranée. De plus, l'Allemagne et l'Italie,
ensemble, de part et d'autre des Alpes, plus exactement les bases américaines
de ces deux pays, représentent un genre de mur entre 1) les profondeurs
pro-chinoises du monde eurasien et 2) l'Europe occidentale, à proximité
immédiate du Royaume-Uni. Cela fait immanquablement penser à la position
qu'occupent la Russie et l'Iran, véritable muraille entre l'Eurasie de l'est
(où se trouve la Chine, entre autres) et l'Eurasie de l'ouest (où se trouve
l'Union européenne, entre autres).
Les nouvelles routes de la soie du
couloir nord (Chine - Union européenne) pourront alors devenir réalité
et permettre des communications plus directes (et plus intenses) que les voies
maritimes présentement utilisées, que ce soient celles qui passent par la mer
Rouge et le canal de Suez ou celles qui, dans l'avenir proche, deviendront de
plus en plus utilisées au nord de la Russie, entre Asie orientale et Europe
continentale. Il restera encore, pour les maîtres de la Cité interdite, à
mettre en place les nouvelles routes de la soie du couloir sud (Chine
- Union africaine).
Celles-ci continuent de se mettre
progressivement en place. Le départ des Américains de l'Afghanistan s'inscrit
dans le cadre de ce contexte et enlève un obstacle potentiel aux liens
terrestres qui lieront un jour l'Empire du milieu à l'Union africaine, notamment
les pays de l'Afrique noire, promis à une expansion démographique, économique
et politique exceptionnelle. Du Sinkiang chinois au Pakistan, puis à l'Iran, un
pont terrestre continue de se mettre progressivement en place. Rappelons que
l'Iran contrôle déjà son propre pont terrestre vers la mer Méditerranée, dans
l'axe Iran / Irak / Syrie / Liban.
Le problème que doit résoudre le Parti
communiste chinois, c'est de sécuriser l'espace géographique qui se trouve
entre l'Égypte et les quatre pays du pont terrestre iranien. Entre les deux, se
trouvent Israël et les pays de la péninsule arabique. La présence américaine en
Irak et dans les pays du golfe Persique est embêtante, mais pas nécessairement
déterminante, étant donné le caractère déclinant de la puissance US et l'impact
de l'abandon de l'Afghanistan aux yeux de l'opinion publique. Ce qui sera
autrement plus difficile à résoudre, c'est le conflit israëlo-arabe, apparemment
sans solution.
La diplomatie trumpienne, sous la gouverne de
l'ineffable Mike Pompeo (''Swagger Mike''), avait commencé à créer des liens
entre le Israël et les pays arabes, tout simplement en les unissant contre un
ennemi commun, soit l'Iran. Pour la Chine, ce n'est pas une option, bien
évidemment, l'Iran étant son principal allié au Moyen-Orient. On peut supputer
que la résolution du problème palestinien, d'une façon qui reste à définir et,
plus encore, à implanter, pourrait servir de clé au cadenas moyen-oriental.
Quoi qu'il en soit, si la Chine réussit à
créer un pont terrestre entre l'Égypte, porte de l'Afrique, et le pont
terrestre iranien, extrémité occidentale de la sphère d'influence chinoise dans
ce secteur de l'Eurasie, elle ouvrira les portes menant à l'Afrique noire, par
la vallée du Nil. Les nouvelles routes de la soie du corridor sud pourront
alors se mettre en place et relayer les routes de la soie maritimes qui relient
présentement les mégaports chinois à la façade orientale de l'Afrique noire.
Cela enlèvera beaucoup de pression sur tout le
secteur maritime s'étendant entre Djibouti (site de la seule base militaire à
l'étranger) et Guanzhou (ou Canton, le grand port chinois du sud), via les
archipels militarisés par l'Empire du milieu dans la mer de Chine méridionale.
Cela facilitera certainement les relations avec l'Inde, seule masse humaine
suffisamment dense et lourde pour menacer durablement les intérêts chinois en
Eurasie, affaiblissant ainsi du même coup le flanc ouest du Quad, cette
alliance improvisée à la dernière minute par les États-Unis pour contrer
l'influence chinoise en Asie orientale. Les USA devront alors se contenter de
l'alliance avec le Royaume-Uni et l'Australie, celle dont il était justement
question au début de cet article...
Et voilà.
CQFD (ce qu'il fallait démontrer).
Un peu futuriste, mais possible.
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