VIVEMENT NOËL



(Voici un texte composé par Pierre Calvé, de Maniwaki, publié sur sa page Facebook et reproduit ici en collaboration avec Anne Corletto. Merci. Charles Millar)

par Pierre Calvé 

Noël évoque chez moi de merveilleux souvenirs d’enfance, à Maniwaki, alors que ma mère savait si bien créer et entretenir chez nous la joie et la magie de Noël. Mais je garde aussi un souvenir très vif de mon premier Noël du temps où j’étais pensionnaire chez les pères Oblat, au Juniorat du Sacré-Cœur, à Ottawa. Durant le premier trimestre, la seule fois où j’ai vu ma famille, c’est quand mes parents sont venus me voir au pensionnat, à la fin septembre 1955, pour fêter avec moi mes 13 ans. Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point j’avais ensuite hâte aux vacances de Noël pour retourner chez nous et retrouver ma famille, incluant mes parents, mon grand-père, mes six frères et sœurs et mon chien Ti-Loup.

Pendant les semaines précédant Noël, je comptais non seulement les jours, mais les heures avant ce jour béni du grand départ, environ une semaine avant Noël. Puis ce jour enfin venu, ce fut l’interminable voyage en train à partir de la gare Union, rue Rideau, à Ottawa, où je me suis rendu à pied en trainant ma valise. Le voyage de 135 km dans ce « tortillard » à vapeur* durait souvent près de quatre heures, selon le nombre d'arrêts en cours de route. Les anglophones appelaient d’ailleurs ce train le « push and pull » à cause de l’incessant freinage qui poussait les wagons les uns contre les autres aux arrêts, pour les « étirer » à nouveau à chaque départ avant de freiner encore quelques kilomètres plus loin. 

En écrivant ceci, j'entends encore dans mes souvenirs le chef de train qui faisait l'aller-retour d'un wagon à l'autre en annonçant chaque arrêt, certains réguliers, d'autres selon la présence de passagers qui voulaient descendre ou qui attendaient à des endroits désignés (appelés les « flag stations ») le long de la voie. "Prochain arrêt, next stop: Hull; Prochain arrêt, next Stop: Ironsides" et ainsi de suite, disait le conducteur, pour Chelsea, Tenaga, Kirk's Ferry, Larrimac, Farm Point, Wakefield, Alcove, Farrelton, Brennan's Hill, Low, Venosta, Aylwin, Kazabazua, Gracefield, Blue Sea, Bouchette, Messines et Maniwaki.

Et ce n’est que tard en après-midi que j’arrivai enfin à la maison où m’attendait fébrilement toute la famille, incluant mon chien Ti-Loup qui, fou de joie, tournait sur lui-même en arrosant le plancher, incapable de se retenir devant tant d’émotions. Et c’était alors les embrassades, les exclamations, « Mais t’as bien grandi! Tes culottes sont trop courtes! Aimes-tu ça au Juniorat? Attends de voir l’arbre de Noël…! ».  Et moi, rayonnant de bonheur, je regardais la cuisine, où nous étions tous, et je la trouvais incroyablement petite après les immenses pièces, cafétéria, dortoir, chapelle, salles d’étude, de jeu… où j’avais vécu pendant plus de trois mois.

Puis, après ces deux semaines de célébrations, je retournai au pensionnat, la mort dans l’âme, le jour même de la fête des Rois. Je dois dire toutefois que le choix d’aller dans cette institution était totalement le mien, ainsi d’ailleurs que celui de plusieurs autres gars de Maniwaki, et qu’après une journée ou deux, après avoir retrouvé les amis, les sports, la routine, on se réconciliait avec cette vie loin des nôtres. Je dois dire aussi que, sur le plan scolaire, j’y ai acquis une discipline de travail et une formation dispensée par des hommes, Oblats pour la plupart, d’une intégrité et d’un dévouement absolument remarquables. C’est d’ailleurs grâce à ces quatre ans de formation que j’ai pu, dès l’année suivante, avant mes études collégiales, enseigner dans une classe de 6e année à Maniwaki, alors qu’à 17 ans, je n'étais pas beaucoup plus âgé que mes 36 étudiants, tous des garçons. Et c’est au terme de cette merveilleuse expérience que j’ai décidé d’adopter la profession d’enseignant, laquelle j’ai exercée avec bonheur pendant 35 ans.

Je vous souhaite à tous et à toutes un très Joyeux Noël et une excellente année 2022.
______
*La locomotive à vapeur a cédé sa place au diesel le 1er janvier 1960

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