TERRA : DE 200 PAYS À UN SEUL
En 2011, il y a dix ans tout rond, naissait le plus récent pays indépendant au monde, le Soudan du Sud. Ce pays tout neuf a été créé par la scission de la République soudanaise, jusque-là le plus vaste pays d'Afrique (depuis lors, c'est l'Agérie qui a hérité de ce titre). Le Soudan était étiré le long du grand fleuve Nil entre l'Égypte, au nord, et l'Ouganda, au sud. À noter que le Nil bleu, originaire de l'Éthiopie, au sud-est, se jette dans le Nil à l'endroit même où la capitale soudanaise, Khartoum, a été implantée.
Le Soudan du Sud, foyer des peuples noirs et chrétiens du sud de l'ancienne Réublique soudanaise, en rébellion contre le nord, majoritairement arabe et musulman, devenait ainsi le 193e pays membre en règle de l'Organisation des Nations-Unies et le 54e pays souverain de l'Afrique (il faut noter en passant que l'Afrique détient donc plus du quart des droits de vote à l'assemblée des pays membres de l'ONU, ce qui en dit long sur le poids politique de ce continent de nos jours). L'indépendance du nouveau pays faisait suite à un référendum organisé sous l'égide des Nations-Unies, en vue de trouver une solution pacifique à des années et des années de guerres et de tueries.
D'autres territoires rêvent d'indépendance, à des degrés divers. Trois sont généralement identifiés comme les candidats les plus probables ou les plus sérieux à un éventuel accès à la souveraineté, soient l'Écosse (un 'pays' du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord), le Québec (une province du royaume britannique du Canada) et le Catalogne (quatre provinces espagnoles regroupées sous une communauté autonome).
L'Écosse est probablement l'entité ayant le plus de chances de devenir un jour un pays indépendant. Cette région du nord de l'Angleterre a longtemps constitué un royaume souverain, dont l'alliance avec le royaume français a d'ailleurs été l'une des plus anciennes alliances au monde, et l'union de l'Angleterre et de l'Écosse, en 1707, dans la foulée de la bataille de Culloden, a créé un tout nouveau royaume, celui de la Grande-Bretagne, ancêtre direct de l'actuel Royaume-Uni, coeur de l'Empire britannique qui domina tout le XIXe siècle, puis du Commonwealth britannique qui lui succéda au XXe siècle. Le Royaume-Uni semble être entré dans un cycle de désunion progressive, marqué notamment, après la fin de la Première guerre mondiale (1918), par la sécession brutale de la nouvelle République d'Irlande, occupant tout le sud catholique de cette île. Cette désunion s'est approfondie, après la fin de la Deuxième guerre mondiale (1945), via l'émergence de plus en plus évidente d'une dévolution des pouvoirs au profit des éléments constituants de la partie résiduelle de ce pays du nord-ouest de l'Europe, un phénomène dont le début remonte au XIXe siècle.
En gros, l'Écosse, l'Irlande du Nord, le Pays de Galles et la région métropolitaine de Londres ont été dotés d'assemblées représentatives, auxquelles ont été dévolus des pouvoirs spécifiques. Cet affaiblissement du pouvoir central s'est accompagné, au sein de la population de l'archipel d'un genre de retour aux sources, marqué par un attrait de plus en plus manifeste envers l'histoire, la culture et, dans certains cas, la langue d'origine de ces régions du Royaume-Uni. Les langues celtiques de l'archipel britannique, longtemps occultées, sinon étouffées peu à peu par la langue anglaise, connaissent en effet un regain de vitalité et d'attention. Par exemple, la langue Manx, particulière à l'île de Man, entre l'Irlande et la Grande-Bretagne, en danger d'extinction il n'y a pas si longtemps, a ainsi regagné du poil de la bête et des locuteurs, alors qu'une langue éteinte depuis deux ans ans (le Cornish) a fait lobjet d'une opération 'résurrection' par des enthousiastes en Cournouailles. Cette langue morte, dont il ne restait que des traces écrites, est aujourd'hui parlée par près de 2 000 personnes.
Les événements récents, liés au départ du Royaume-Uni de l'Union européenne (le fameux 'brexit' amorcé par le référendum de 2016 et généré surtout par le désir de l'Angleterre de regagné sa liberté économique et politique et de se rapprocher des autres pays anglo-saxons), ont accéléré le sentiment nationaliste des Écossais, surtout concentré dans la région de Glasgow, métropole économique de l'Écosse, et ces événements ont fait en sorte de rehausser la proportion des électeursfavorables à une éventuelle indépendance à un taux de 55 %. Présentement, le gouvernement britannique cherche à retarder au plus possible toute tenue d'un autre référendum, celui de 2014 s'étant soldé par une assez courte victoire (55-45) des électeurs désireux conserver le lien avec la couronne britannique. La question nationale reste cependant à pendance, les Écossais ayant voté majoritairement, en 2016, pour rester rattachés à l'Union européenne, tout comme les Nord-Irlandais et les habitants de Londres et du sud de l'Angleterre en général. Un éventuel départ de l'Écosse pourrait possiblement favoriser une fusion entre les deux entités se partageant actuellement l'île d'Irlande, la portion du nord (protestante) et la portion du sud (catholique).
Le cas de la Catalogne est différent. Une tentative de sécession d'avec le Royaume espagnol, il y a quelques années, s'est fracassé sur la volonté très ferme du gouvernement espagnol de s'opposer à une démarche jugée illégale. Le désir de l'Union européenne de ne pas favoriser une fragmentation des pays constituant cette fédération vient aussi contrecarrer les vélléités indépendantistes des Catalans.
En ce qui concerne le Québec, l'échec des référendums de 1980 et de 1995 semble avoir mis en berne la démarche du mouvement indépendantiste. Il faut cependant signaler que trois partis politiques continuent de prôner cette option, soit le Parti Québec et Québec solidaire, au niveau provincial, et le Bloc quéébcois, au niveau fédéral.
Tout cela fait ressortir une évidence. Le grand nombre de pays existants est le fruit d'un grand mouvement de décolonisation amorcé au début du XXe siècle. Une vague de nouveaux pays, situés en Afrique, en Asie, aux Antilles et dans le Pacifique, se sont ainsi ajoutés à ceux créés par une vague plus ancienne, soit celle constituée par l'afranchissement des anciennes colonies britanniques, espagnoles et portuguaise des Amériques. Les États-Unis et le Canada, au nord, sont nés lors de cette vague plus ancienne, tout comme l'ensemble des pays hispanophones de l'Amérique latine, sans parler du Brésil de langue portuguaise.
En d'autres mots, l'indépendance des multiples colonies européennes a fait grandement croître le nombre d'entités souveraines, surtout à l'occasion des deux grandes guerres mondiales du XXe siècle, alors même que se succédaient des tentatives d'assurer un genre de coordination mondiale des États souverains. La Société des nations a ainsi vu le jour suite à la Première guerre mondiale et l'Organisation des nations-unies, à la suite de la Deuxième guerre mondiale. Aujourd'hui, l'ONU est la plate-forme toute désignée pour monter des efforts concertés dans le cadre de dangers et de dossiers d'envergure planétaire, on le voit bien avec la grande pandémie de 2019-202X, ainsi qu'avec la menace que représente les changemts climatiques.
De même, la généralisation de moyens de transport de plus en plus rapides et la multiplication de voies de communications entre les diverses régions du monde, notamment par la voie aérienne, concrétise l'avènement d'une planète de plus en plus petite, à l'image du fameux 'village global' dont l'on parle tant depuis des décennies. La possibilité, également, par la voie des satellites et des câbles sous-marins, de pouvoir communiquer quasi-instantanément avec n'importe quoi, n'importe où sur la surface du globe, en quelques micro-secondes seulement, se combine avec l'émergence d'une économie globalisée qui tend à rapprocher de plus en plus étroitements les diverses économies nationales et/ou régionales.
Il y a ici un double phénomène, un grand nombre d'entités souveraines de base et l'émergence d'une scène mondiale qui rassemble ces entités d'une façon de plus en plus étroite et concrète. Il faut aussi insister sur l'émergence d'une conscience globale, marquée entre autres par la diffusion un peu partout d'un fort sentiment environnementaliste et l'attraction grandissante des jeunes envers une identification de 'citoyens du monde', par opposition à des identifications nationales ou patriotiques. Le monde de demain sera bien différent de celui d'aujourd'hui, tout comme celui-ci était différent du monde d'hier.
Ce monde de demain sera probablement caractérisé par une volonté de plus en plus forte de resserrer les liens mondiaux entre tous et toutes, mais sans abandonner nécessairement le besoin de chaque individu de s'ancrer profondément dans ses racines propres. Le monde humain de demain, que l'on pourrait désigner sous le nom d'archipel humain, ressentira sans doute la nécessité de se donner éventuellement des pouvoirs centraux plus forts, sous la forme d'une ONU bonifiée et renforcée, et ce, en réduisant les actuels pouvoirs souverains dévolus aux pays d'aujourd'hui, ceux-ci devenant progressivement des régions ou des régions administrsatives d'une planète de plus en plus unifiée autour d'un idéal ou d'un principe commun: un gouvernement, une planète, une espèce.
Ce monde unifié et revivifié pourrait être le résultat d'un long travail d'accrétion naturel, d'un durcissement graduel des liens unissant chaque région et sous-région du monde. Il pourrait aussi, plus simplement, être le résultat d'un danger de plus en plus pressant et inquiétant, celui des dettes mondiales, constituées des dettes, nationales, régionales, municipales, corporatives et individuelles, dont l'augmentation constante, accélérée encore par la pandémie mondiale, ne saurait être occultée encore longtemps. La seule façon réaliste d'y faire face, tout comme de faire face aux besoins financiers créés par la nécessité de s'attaquer aux changements climatiques, ce sera de réduire les dépenses militaires impressionnantes que s'infligent les pays actuels du globe, afin de se protéger les uns des autres. Les populations des pays concernés finiront bien par prendre conscience que la seule manière de les réduire et d'utiliser plus utilement les sommes colossales ainsi gaspillées à de telles fins, c'est la nécessité de changer de paradigme. Nous (ou nos enfants) devront éventuellement concevoir les rvalités militaires entre pays souverains (ou entre blocs rivaux, comme c'est de plus en plus le cas, maintenant, entre le bloc centré sur la Chine populaire et le bloc centrés sur les États-Unis d'Amérique) comme une manifestation du plus grand ennemi de l'espèce, c'est-à-dire la bonne vieille sottise humaine. À quoi bon se combattre l'un l'autre, lorsqu'il convient davantage de travailler ensemble à faire avancer les intérêts communs de l'humanité?
Un jour, nos enfants ou nos petits-enfants en prendront conscience et comprendront enfin qu'il vaut mieux se doter d'un seul budget militaire global, relevant d'un gouvernment unifié global (en vue essentiellement de pouvoir résister aux forces centrifuges qui affligeront un tel gouvernement), que de continuer de se doter d'une multitude de budgets nationaux, relevant des gouvernements dirigeants une poussière de pays, grands et petits, qui se regardent comme des chiens de faïence, rivalisant bêtement entre eux et gaspillant de la sorte d'énormes moyens financiers à entretenir des forces militaires supposées s'entretuer éventuellement. Que pouvons-nous être bêtes! Quelle sottise insondable! Au lieu de rester désunis et de chercher à nous détruire mutuellement, pourquoi ne pas s'unir et se tourner ensemble vers l'avenir?
Je ne le verrai pas de mon vivant. Mes enfants et leurs enfants ne le verront sans doute pas de leur vivant non plus. Cela surviendra sans doute, un jour, un beau jour, j'en suis sûr et j'y crois, mais peut-être simplement dans un horizon de cent ou deux cent ans. Cela surviendra, toutefois, il ne faut point en douter.
C'est une simple question de survie...
Pas de texte!
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