SUJETS DE SA MAJESTÉ
Il serait bon, un jour, de faire un grand ménage dans les mots que nous utilisons dans la vie de tous les jours.
Ainsi, on parle souvent d'État du Québec. C'est inexact. Le Québec n'est pas un pays souverain et, conséquemment, il ne peut donc être considéré comme un État. Il faut plutôt dire 'province de Québec' ou 'gouvernement du Québec'.
On pense aussi communément que le premier ministre du Canada dirige un pays. C'est encore faut. Il dirige un gouvernement national, au nom du chef d'État, la personne la plus importante du pays en question au plan politique.
Toujours dans le même esprit, on affirme souvent que le Canada est un pays souverain. Ce n'est pas entièrement faux, ni entièrement vrai. C'est plus compliqué que cela, en fait. Le Canada relève d'un chef d'État qui dirige aussi nombre d'autres pays à travers le monde. Tous ces pays sont chapeautés par la même personne et font donc partie d'un même ensemble politique. Cet ensemble a un nom: celui d'Empire britannique. Il regroupe toutes les entités, territoires et juridictions dirigés par le même chef d'État, plus exactement une cheffe d'État, soit la reine Élizabeth II.
Pour le dire autrement, nous ne sommes pas vraiment des citoyens canadiens. Nous sommes en fait les sujets de la reine Élizabeth II.
Enfin, dans le même fil, cet Empire britannque que l'on croyait disparu lors de la décolonisation se maintient toujours, dirigé par une famille royale increvable. L'Empire regroupe deux grandes catégories de territoires: les pays dont la population est majoritair ement anglo-saxonne (Canada, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande) et ceux dont la population n'est pas anglo-saxonne (tous les autres).
Avez-vous déjà entendu le gouvernement présenter le Canada comme un royaume? Cela n'arrive jamais. Officiellement, le Canada n'est pas un royaume, mais une confédération. C'est en réalité de la fiction, cependant, puisque la confédération de 1867 n'était qu'un regroupement de colonies britanniques, encore dépendantes de la mère-patrie. De toute façon, une confédération n'est pas une forme d'organisation politique mais simplement un regroupement peu serré d'entités semblables. Le Canada, actuellement, n'est pas une république, ni une principauté, ni un grand-duché, mais bel et bien un royaume, même si le gouvernement canadien n'en parle jamais de cette façon.
Si le royaume canadien est tenu loin des projecteurs, ce n'est pas pour rien. La population canadienne est de moins en moins britannique et de plus en plus mélangée. Aux minorités autochtones et francophones qui occupaient le territoire avant la venue des anglophones, se sont ajoutées (et continuent de s'ajouter) des individus arrivant de partout et représentant tous les peuples du monde. Il y a par exemple des centaines de milliers d'Ukrainiens, d'Allemands, de Polonais, d'Islandais, de Finlandais, etc., qui vivent dans les provinces de l'ouest et l'Ontario depuis la fin du XIXe siècle. Plus récemment, les grandes villes canadiennes se gonflent de minorités culturelles de plus en plus nombreuses, venues de partout et parlant toutes les langues: mandarin, espagnol, hindi, pundjabi, bengali, etc. Pendant ce temps, les citoyens canadiens-anglais, touchés par un taux de natalité très bas (comme les Canadiens français, d'ailleurs) pèsent de moins en moins au plan démographique.
On comprend donc qu'il soit malaisé de parler de royaume canadien dans ces conditions, la population ressentant de moins en moins de liens avec la couronne britannique. Il faudra bien un jour qu'on modernise le système politique canadien, en retirant les archaïsmes que sont les postes de gouverneur-général et de lieutenants-gouverneurs, en coupant le lien avec la monarchie britannique et en transformant pacifiquement ce royaume en république.
Est-ce que cela se fera de notre vivant? C'est difficile à dire. Le système actuel tient encore la route, même s'il est de moins en moins connecté avec la réalité démographique et sociale.
Il reste que le Canada a besoin d'une réforme complète, de la tête aux pieds.
Bon texte!
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