À PROPOS DES MÉDIAS ÉCRITS DE L'OUAOUAIS

 


(Reproduction d'un texte publié le 6 juillet 2021, dans la section 'Commentaires' d'un article intitulé ''Gatineau assaillie par des journaux bilingues...'', paru dans le blog ''Lettres du front'', de Pierre Allard, ex-éditorialiste du Droit. Le contenu me semble pertinent et mérite, je pense, une plus large diffusion. En voici donc la teneur.)

J'ai lu votre chronique avec beaucoup d'intérêt et je suis d'accord sur bien des points. Il faut cependant souligner que le remplacement des journaux papier par des journaux numériques n'est pas inévitable dans tous les cas. Un journal bien implanté dans son milieu, bien enraciné, peut résister aux assauts de l'Internet. Les deux petits hebdos de Maniwaki ont disparu, mais un autre a vu le jour il y a des mois et semble bien se développer, avec suffisamment de publicité pour vivre, selon toutes apparences. C'est aussi le cas de petits journaux anglophones desservant au Québec des bassins de lectorat petits mais vivaces: The Low Down To Hull And Back en est un bon exemple. À l'inverse, des journaux de plus grande taille arrivent à tirer leur épigle du jeu, comme LeDevoir, tout comme le Journal de Montréal et son petit frère de Québec. Le contenu d'un journal doit plaire au lecteur (et à la lectrice), suffisamment pour qu'il se donne la peine de se le procurer. Je ne sais pas exactement pourquoi LeDroit a dû cesser sa publication papier. L'opinion des gens du Droit sur la qualité de leur propre journal était possiblement surestimée. Les orientations éditoriales ne correspondaient peut-être plus aux courants sociaux et politiques actuels.

Créé pour défendre les droits des Franco-Ontariens menacés dans leurs droits linguistiques, LeDroit a pris une tangente ouvertement et proactivement fédéraliste et non-nationaliste, dans un environnement complexe où la dominance du Parti libéral du Québec en Outaouais était remise en question. Il y a un rédacteur en chef que vous connaissez bien qui, à la fin des années 80, a 'stuffé' et 'paqueté' la salle de nouvelles avec ses amis personnels, tous du même bord politiquement, réussissant à faire de ce journal la marionnette de ses préférences politiques, incarnées dans le Parti libéral du Canada, dont il était très sympathisant. Vous savez de qui je parle. À l'automne 1989, selon mes calculs, il avait réussi à combler 30 % des postes existants à la salle de nouvelles et il est resté encore bien plus longtemps, suivi ensuite par son mentor, de la même allégeance.

LeDroit a très possiblement pâti de tout cela, perdant lentement contact avec son plus grand bassin de lecteurs, à Gatineau, surtout que l'éditorialiste en chef du journal, dans les dernières décennies, avant se retraite, un ancien journaliste sportif que vous connaissez aussi, était plus connu pour ses reportages sur la fine gastronomie que sur la situation linguistique ou nationale. Pour lui, il importait surtout de faire des comparaisons entre les restaurants de Gatineau et ceux d'Ottawa.

Encore aujourd'hui, LeDroit est complètement absent du débat sur l'anglicisation de Montréal et réticent d'aborder ce genre de sujets allant à l'encontre de son évangile pro-Rocheuses. Pour ce qui est du Bulletin d'Aylmer, ses choix idéologiques sont une chose dans le secteur d'Aylmer, avec une forte minorité anglophone datant d'il y a longtemps et renforcée par de nouveaux arrivants d'Ottawa, tout comme ceux du journal bilingue du Pontiac, région majoritairement anglophone. Les propriétaires, s'ils veulent réussir dans leur entreprise, devront tenir compte de la nature de leur lectorat dans le secteur Gatineau/Gatineau, très différent par sa composition ethnolinguistique.

La vieille fable du bilinguisme enrichissant et payant, dans un pays où ce sont surtout les francophones qui se bilingualisent et s'exposent ainsi de plein fouet à l'influence de cette langue très prestigieuse et dominatrice, est à mettre au même rang que la fable du parfait bilingue. Les deux favorisent l'assimilation à long terme. S'ils veulent s'implanter dans un secteur massivement francophone, les éditeurs du Bulletin d'Aylmer devront mettre de l'eau dans leur vin et modérer leur réthorique. Ils n'auront simplement pas le choix. Il est possible qu'une queue ne puisse branler un chien, comme aimait dire vous savez qui, mais il reste que les choix politiques d'un journal ne peuvent être dictés à des lecteurs supposément obligés de le suivre et de lui obéir sans mot dire.

LeDroit d'antan se caractérisait peut-être un peu trop par une mentalité de monopole ayant une tendance à pontifier et à se croire supérieurement supérieur au plan de l'intellect. La vérité, c'est que la population a toujours le dernier mot. Au plan économique, surtout dans les entreprises du secteur privé, on dit que le client a le dernier mot. C'est vrai. En politique, toutefois, c'est le citoyen qui prime et qui doit primer. La tournure d'esprit n'est pas la même.

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