L'IMPENSABLE ALLIANCE DES BLEUS: BQ - PCC

 

Les coalitions et les alliances peuvent parfois rassembler des entités que l'on pourrait croire totalement opposées.

Ainsi, une alliance entre des indépendantistes gauchisants Franco-Québécois et des anglo-conservateurs fédéralistes hors-Québec pourrait paraître assez bizarre à première vue. Tout semble les opposer. Pourtant, à bien y penser, ce n'est pas aussi évident...

Une telle alliance a déjà eu lieu il y a plusieurs décennies, au temps du Parti québécois et de René Lévesque, c'est-à-dire l'époque du 'beau risque', celui d'un rapprochement avec les conservateurs de Brian Mulroney, peu après l'échec du premier référendum, celui de 1980. Le résultat avait été positif, dans l'ensemble, même si la Belle province n'avait pas changé de statut pour autant. Le Parti progressiste conservateur de Brian Mulroney, bénéficiant de la bénédiction de René Lévesque et de l'appui des nationalistes québécois, avait ainsi été porté au pouvoir à Ottawa en 1984, puis en 1988, à l'occasion de deux mandats majoritaires.

La raison d'être d'une alliance de ce genre, tant celle qui s'est déjà produite que celle qui pourrait devenir réalité, c'est l'importance pour les deux parties impliquées de venir à bout d'un ennemi commun, soit le Parti libéral du Canada (PLC). Les nationalistes québécois, ceux qui sont indépendantistes mais aussi ceux qui ne le sont pas, se sont toujours mal entendus avec le fédéralisme pur et dur, centralisateur, souvent perçu comme arrogant, qu'incarnaient et qu'incarnent encore cette formation politique, aussi bien sous la houlette de l'ancien premier ministre Pierre-Elliott Trudeau que sous la férule de son fils (et premier ministre actuel), Justin Trudeau. De même, les conservateurs (centre-droit) sont les rivaux traditionnels du Parti libéral du Canada (centre gauche), alternant sans cesse avec lui, au parlement fédéral d'Ottawa, depuis le début de la confédération en 1867.

Pour sa part, le Bloc québécois (BQ) a vu le jour en 1991, dans la foulée de l'échec de l'accord du lac Meech, avec plusieurs objectifs: défendre les intérêts du Québec sur la scène fédérale et priver le Parti libéral du Canada du maximum de sièges possibles dans la Belle province. Rappelons que le BQ est, avec Québec solidaire et le Parti québécois, actifs ceux-là sur la scène provinciale, l'un des trois partis indépendantistes actuellement en activité au Canada, bien que lui, sur la scène fédérale.

La scène politique actuelle, au fédéral, se prêterait bien à une telle alliance entre le Bloc québécois et le Parti conservateur du Canada (PCC). Le PLC, d'abord élu avec un mandat majoritaire en 2015, sort tout juste d'une élection générale, avec un deuxième mandat minoritaire. Le PCC, pour sa part, panse ses plaies et cherche des moyens de revenir à la charge, devant un gouvernement très dépensier, dirigé par un premier ministre souvent perçu comme n'ayant pas l'envergure de son père. Les partis de gauche sur la scène fédérale, soit le PLC, mais aussi le Nouveau parti démocratique et le Parti vert, sont très centralisateurs, ce qui n'est pas le cas du PCC. Soulignons aussi que le BQ, revivifié lors de l'élection précédente, a réussi à conserver l'essentiel de ses positions lors de la toute dernière élection et demeure une force substantielle au Québec.

Une alliance pourrait se faire, par exemple, selon une formule informelle.  Le PCC pourrait ainsi s'abstenir de présenter des candidats sur la scène provinciale québécoise, en contre-partie de l'octroi d'un certain nombre de sièges de ministres à d'éventuels députés issus du Bloc, en cas de victoire commune. Le nombre et la nature des sièges de ministres seraient déterminés préalablement, lors de négociations entre les deux organisations. Essentiellement, les deux partis resteraient des entités indépendantes l'une de l'autre, mais se partageraient le territoire électoral. Lors d'une course électorale, les seuls candidats de l'alliance qui se présenteraient au Québec seraient ceux du BQ. De même, les seuls candidats de l'alliance qui se présenteraient hors-Québec seraient ceux du PCC. Ils s'engageraient à toujours voter ensemble, dans la mesure du possible, leur nature restant tout de même assez différente. 

Les avantages de ce genre de formule sont nombreux. En voici quelques-uns:

  • Cela accroîtrait les chances des deux parties de remporter une élection, grâce à l'union de leurs forces respectives, de leurs sympatisants et de leurs ressources,
  • Les électeurs qui votent actuellement pour le PCC au Québec n'aurait simplement qu'à reporter leur vote sur le BQ.
  • L'ajout des voteurs conservateurs aux voteurs nationalistes pourrait augmenter les majorités des sièges actuellement occupés par les députés québécois du PCC, face aux candidats libéraux.
  • Dans les sièges actuellement occupés par des députés du BQ, l'ajout des voteurs conservateurs pourrait augmenter la majorité de ces députés, face aux candidats libéraux.
  • Dans les sièges actuellement occupés par des Libéraux, l'ajout des voteurs conservateurs et des voteurs nationalistes pourrait possiblement suffire à faire passer une partie de ces sièges du PLC au BQ/PCC.
  • Lors des élections générale de la présente année, 2021, le PLC a remporté 35 sièges au Québec, contre 32 pour le BQ et 10 pour le PCC. Avec la formule dont il est question ici, l'addition des deux derniers nombres, même en supposant que le PLC soit demeuré au même niveau au Québec, aurait permis de changer bien des choses pour le PCC et le BQ, puisque cela aurait fragilisé, voire renversé complètement, la mince minorité des députés libéraux élus à la grandeur du Canada.
  • Pour le PCC, il est bien plus avantageux de pouvoir compter sur un total de 42 députés en provenance du Québec que sur les dix qu'il détient par lui-même actuellement. En ce sens, une telle formule ne représenterait pas un recul. ni une perte, malgré l'obligation de présenter ses propres candidats au Québec et, conséquemment, l'absence inévitable de députés conservateurs québécois.
  • Avec une base plus solide dans la deuxième plus populeuse province canadienne, le PCC/BQ pourrait raisonnablement espérer remporter plus souvent les élections fédérales, puisque, présentement, l'allure et les politiques parfois un peu vieillottes du PCC amène parfois les électeurs à lui préférer les politiques plus progressistes du PLC.
  • Cela pourrait très possiblement permettre d'éviter le problème posé par le nombre grandissant de mandats minoritaires, souvent favorables aux électeurs, mais honnis par les partis politiques, ceux-ci préférant disposer d'une plus longue période pour exercer leur pouvoir, dans le cadre d'un mandat majoritaire (quatre ans), afin d'appliquer ainsi plus aisément leur programme, à leur guise.
  • Pour le BQ, cela permettrait de mettre fin aux sempiternelles critiques voulant qu'un vote pour le Bloc soit nécessairement un vote pour un parti incapable de prendre le pouvoir.
  • Cela permettrait aussi au BQ de pouvoir influer sur les politiques d'un éventuel gouvernement conjoint, notamment si les porte-feuilles qui lui seraient réservés concernaient l'environnement, la justice, l'économie, les minorités linguistiques, les autochtones, l'immigration, etc., soit des domaines particulièrement importants pour le Québec.
  • Cela favoriserait la décentralisation des pouvoirs exercés par le gouvernement fédéral, au profit des pouvoirs dévolus aux gouvernements provinciaux.
  • Cela permettrait à un éventuel gouvernement conservateur/bloquiste d'être moins détaché (out of touch)des réalités contemporaines de la société canadienne et de la société québécoise, un reproche souvent fait au PCC.
  • Cela permettrait de souligner et d'approfondir le caractère distinct et unique du Québec au sein d'un Canada de plus en plus anglicisé, où la part des francophones diminue constamment et où leur image commence à se ternir, notamment aux yeux des immigrants.
  • Cela nuirait grandement et durablement au Parti libéral du Canada.
  • Cela ferait de la peine à Justin Trudeau.



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