DE LA PAX GALLICA À LA PAX SINICA


 

L'expression bien connue Pax Romana (paix romaine) fait référence à la grande entité politique appelée Rome, tant dans sa forme urbaine, sa forme royale, sa forme républicaine, sa forme impériale ou sa forme byzantine, mais surtout à l'avant-dernière période, bien entendu. Elle désigne la grande paix civile règnant àl'intérieur des frontières de ce pays couvrant l'essentiel du bassin méditéranéen il y a deux mille ans. Le droit à la violence étant généralement monopolisé par l'État, tant hors des frontières qu'à l'intérieur de celle-ci, la paix romaine désigne dans le fond l'obligation légale pour tous les citoyens et sujets de Rome de se comporter de façon civile. L'expression a aussi pour sens de désigner la stabilité de l'entité au cours des siècles ou des décennies de son existence.

Par extension, l'expression a été maintes fois utilisée pour désigner la paix imposée par les États-Unis d'Amérique, première puissance mondiale du siècle passé, sur la portion du globe tombant sous son contrôle ou son influence, sous la forme Pax Americana. Les États-Unis, à ce titre de première puissance globale, prenait la relève du Royaume-Uni, au cours du XIXe siècle, l'âge de la révolution industrielle, de l'Empire britannique triomphant, sous la forme Pax Britannica, lequel pays succédait au royaume de France, puissance dominante de l'Euope continentale et du monde occidental en général, au cours du XVIIIe siècle, le ''siècle des lumières'', l'âge des des Encyclopédistes, de Voltaire, Diderot, Descartes, Louis XIV (le fameux Roi-Soleil tout-puissant). Ce siècle peut être qualifié de Pax Gallica (ou Pax Francia), marqué par le décès du Roi-Soleil, puis l'éclatement de la Révolution française et l'émergence et la diffusion des idéaux démocratiques de liberté, d'égalité et de fraternité au sein de la vieille Europe. Il est toujours périlleux de recourir à des dates précises pour souligner le début et la fin des siècles, mais la fin de la Pax Gallica peut être fixée à 1815, avec la défaite de Waterloo et l'émergence de ce que Napoléon appelait un peuple de boutiquiers, lequel, sous le nom d'Empire britannique, était prêt à imposer sa dominance, surtout navale, par le biais d'une longue Pax Britannica, une période se finissant en 1914, avec l'éclatement de la Première guerre mondiale. Les USA, jusque-là une grosse république surtout agricole, sortiront de leur isolement et feront irruption en Europe lors des dernières années de cette guerre, entamant une domination qui s'étalera sur tout le XXe siècle, l'âge de la Pax Americana.

Cette période est en train de prendre fin, si elle n'est pas déjà terminée, pour laisser place à un nouvel ordre mondial, dominé par la République populaire chinoise, fondée en 1949, mais en pleine émergence depuis la disparition de l'Union soviétique. Les dirigeants chinois ont eu l'intelligence et l'habileté de modifier leur régime économique en y introduisant une grande mixité, mélangeant économie libre et économie dirigée, avec de grandes entreprises privées, des coopératives, des entreprises d'État, des PME (petites et moyennes entreprises) et toutes sortes d'organisations économiques, avec un résultat très impressionannt, propulsant ce pays au premier rang des puissances mondiales.

La puissance économique grandissante de la Chine entraînera inévitablement le renforcement de sa puissance politique, ainsi que de son influence, puis de sa prédominance militaire. Il va de soi que tout le présent siècle sera dominé par la Chine, puissance de plus en plus incontournable, en bien ou en mal. C'est une démocratie socialiste, de type autoritaire, car centrée sur un seul parti. Le Parti communiste chinois n'est pas le plus grand au monde, ce titre échoyant au parti du président de l'Inde, une formation rassemblant deux fois plus de membres que le PCC. Ce n'est pas non plus le seul parti politique de la Chine continentale, puisqu'il côtoit une demi-douzaine de petits partis remontant à l'époque de la révolution chinoise. Par contre, les Chinois n'ont pas l'habitude de l'alternance des partis, une habitude que les Russes sont en train de développer, à leur rythme, ce pays comptant lui aussi plusieurs partis politiques, dont celui du président actuel, Vladimir Poutine, celui qui contrôlait l'ancienne Union soviétique et celui du dissident emprisonné Alexei Navalny.

L'émergence d'une véritable démocratie ne peut être exclue en Chine, mais le pouvoir central devra être amadoué par la population et, surtout, la jeunesse. Le traumatisme de la place Tienanmien, au siècle dernier, alors que le gouvernement chinois écrasait dans le sang les manistations spontanées suscitées par les espoirs entraînés par la chute du communisme en URSS (Union des républiques socialistes soviétiques) est encore présent. Si la Chine devient démocratique, ce ne sera pas du sommet vers la base, mais de la base vers le sommet, ce qui est toujours plus long, plus difficile et plus complexe. L'incorporation de la population de Hong-Kong et de Macao s'inscrit en ce sens, tout comme l'incorporation éventuelle de la population taiwanaise. Le gouvernement doit être au service de la population, pas le contraire. S'il veut assurer la pérennité de sa présence, il doit écouter le peuple et tenir compte de ses souhaits et de ses aspirations, un processus qui n'est pas automatique et qui peut être laborieux et long, très long, toujours trop long...

Toujours est-il qu'indépendamment de la forme politique qu'elle prendra, l'histoire récente de la civilisation humaine restera marquée par la succession des pays qui ont dominé les événements au cours des quatre derniers siècles:

  • le XVIIIe - le siècle des lumières, éclairé par les Encyclopédistes, l'âge d'or de la France royale, la PAX GALLICA;
  • le XIXe - la révolution industrielle, éclairée par l'Encyclopédia Britannica, l'âge d'or de l'Empire britannique, la PAX BRITANNICA;
  • le XXe - l'ère des libertés individuelles, éclairée par Wikipedia, l'âge d'or des États-Unis d'Amérique, la PAX AMERICANA et
  • le XXIe - l'ère des libertés collectives, éclairée par quelque chose qui demeure à créer et inventer, l'âge d'or de la République populaire de Chine, la PAX SINICA.

Ensuite, nul ne peut savoir ce qui se produira. Y aura-il une PAX INDICA, une PAX AFRICANA?

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