LES AFRIKANERS SE REGROUPENT AU CAP
D'une façon assez générale, il semble que l'on soit
témoin, depuis quelques années, d'un recentrage de la population de langue
afrikaner, descendants des Boers, effaçant l'héritage du Grand Trek et menant à
un regroupement des Afrikaners dans l'ancienne province du Cap, soit dans la
partie ouest de l'Afrique du Sud.
Pour mémoire, rappelons que les Afrikaners,
autrefois connu sous le nom de Boers (les Cape Boers pour ceux vivant au Cap ou
les Trek Boers pour ceux ayant participé au Grand Trek du XIXe siècle, sont
issus des colons néerlandais établis au Cap depuis le XVIIe siècle (1652:
arrivée des Néerlandais et fondation du Cap). Ces colons se sont
progressivement mélangés à d'autres groupes ethniques (Hottentots, Cape Malays,
Huguenots francophones, Allemands, etc.), créant par le fait même un tout
nouveau peuple ayant une langue de plus en plus distincte du néerlandais, soit
l'afrikaner.
Les Afrikaners, progressivement, se sont multipliés
dans l'ancienne province du Cap, puis certains d'entre eux, à cause de
l'arrivée des Britanniques, se sont élancés dans le veldt sud-africain (Grand
Trek) pour leur échapper et créer de petites républiques boers, les deux plus
importantes étant le Transvaal et l'État libre d'Orange. Ces Trek Boers ont
ensuite été vaincus et occupés par l'Empire britannique. Lors de la création de
la colonie unifiée d'Afrique du Sud, les Boers, plus nombreux que les colons britanniques,
ont pris le contrôle de la nouvelle république sud-africaine, dominée
essentiellement par une minorité de Blancs (afrikanerophones et anglophones),
et créant du coup le système raciste de l'apartheid pour empêcher les membres
des peuples noirs sud-africains, largement majoritaires sur l'ensemble du
territoire, d'exercer leurs droits politiques. Après plusieurs conflits, les
Boers ont finalement renoncé au système d'exclusion nommé apartheid et accepté
de laisser le champ libre aux Noirs sud-africains, représentés par l'African
National Congress, de Nelson Mandela.
À l'heure actuelle, en nombre les Boers sont très
nombreux dans l'actuelle province du Cap-Occidental (autour de la ville du Cap,
cœur historique du pays) et du Gauteng (autour de la ville de Johannesbourg, cœur
économique du pays), formant deux pôles de concentration dense. Il semble que
les Boers du Gauteng, de façon plus ou moins spontanée, ont entrepris de se
relocaliser peu à peu dans la province du Cap-Occidental, pour plusieurs
raisons.
C'est plus avantageux pour eux au plan sécuritaire,
plusieurs familles agricoles afrinakers vivant de façon isolée ayant été
assassinées par certains groupes noirs d'extrême-gauche, depuis quelque temps.
Un cas récent a d'ailleurs fait l'objet de reportages dans les médias il y a
quelques semaines. Un recentrage dans la province du Cap-Occidental permet
aussi aux nouveaux arrivants afrikaners de vivre dans un milieu majoritairement
afrikaner, au lieu de faire partie d'un milieu minoritaire, dominé par l'anglais
mais aussi d'autres langues, comme le zoulou, comme c'est le cas au Gauteng. La
relocalisation en cours, quoiqu'encore balbutiante, a aussi l'avantage de
permettre aux relocalisés, plus fortunés que la moyenne des Afrikaners,
d'acheter de la terre à un coût abordable. Il faut noter ici que la société
afrikaner, dans son ensemble, reste encore profondément marquée par son passé
rural et agricole. Il suffit de mentionner l'industrie vinicole sud-africaine,
largement concentrée au Cap-Occidental, mais aussi de plus en plus largement
dans l'ancienne province du Cap.
Selon certaines sources, les Afrikaners, après
avoir dominé la vie politique sud-africaine pendant des décennies, disent se
sentir méprisés et conspués depuis la fin de l'apartheid, et ont peu de prise
sur la vie économique du pays, étant encore très portés sur l'agriculture. La
minorité blanche anglophone a davantage de pouvoir économique et jouit de bien
meilleures relations avec les peuples noirs qui représentent les quatre
cinquièmes de la population de l'Afrique du Sud. Les relations entre Afrikaners
et Zoulous, d'une manière générale, sont apparemment très mauvaises, alors que
celles entre Afrikaners et Xhosa sont bien meilleures. Les Zoulous sont
renommés pour leur influence grandissante dans le domaine politique. Les
Xhosas, pour leur part, vivent surtout au sud-ouest du Kwa-Zulu/Natal et sont
encore très nombreux au sein de l'African National Congress (M. Mandela était
lui-même d'ascendance xhosa). L'impunité relative dont jouissent les membres
des groupuscules d'extrême-gauche qui s'attaquent aux fermes isolées constitue
une source grandissante d'inquiétude au sein de la communauté afrikaner. Selon ces
mêmes sources, les Trek Boers vivant dans l'ancien État libre d'Orange
(rebaptisé Free State, au lieu d'Orange Free State), particulièrement nombreux
dans la partie sud-ouest, là où ils sont aussi majoritaires, assurent leur
sécurité quotidienne par des contacts étroits et par le simple fait qu'ils
possèdent et contrôlent les terres qu'ils cultivent.
Tout ce faisceau de données laisse entendre que le
peuple afrikaner, d'une façon apparemment non concertée mais résultant
simplement des conditions politiques et économiques locales, est en train
d'effacer des chapitres entiers de son histoire, oubliant le Grand Trek
d'autrefois et revenant en quelque sorte aux sources de son ethnogenèse, dans
la province du Cap, plus précisément autour de la ville du Cap. Celle-ci est
multi-ethnique, avec des représentants de tous les peuples sud-africains,
incluant des communautés chinoise et indienne, relativement nombreuse.
Linguistiquement, l'anglais domine dans la ville, d'une façon générale, malgré
la présence d'une minorité afrikanerophone. Il n'est pas impossible que le
recentrage en cours amène éventuellement la création d'une majorité
afrikanerophone dans cette agglomération importante.
* * *
Sources: données démographiques et linguistiques disponibles sur Wikipedia, différents articles récents de la presse, notamment un article de la revue The Economist sur une migration croissante d'Afrikaners fortunés vers le Cap et une conversation très instructive et approfondie avec une jeune Afrikaner de passage au Canada et rencontrée inopinément.
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PLUS: @charles.millar3 (Twitter)
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