ASTICOU, RIDEAU, BYTOWN, OTTAWA... LA COUR DES MIRACLES?

 


Les chutes Rideau, là où cette rivière se termine en se jettant dans la rivière des Outaouais.

L'histoire du site de la ville d'Ottawa remonte loin en arrière. La présence humaine s'est d'abord manifestée avec l'apparition des premiers peuples amérindiens, circulant sur la rivière des Outaouais. Celle-ci joue un rôle majeur au plan hydrographique, unissant l'archipel montréalais, situé à mi-chemin entre le lac Ontario et le site actuel de Québec, le long du majestueux fleuve Saint-Laurent, et la région des Grands lacs, via la rivière Mattawa, le lac des Népissingues et la rivière aux Français, jusqu'au lac des Hurons, patrie de l'ancien peuple du même nom. Les Amérindiens ont emprunté cette autoroute d'eau douce longtemps avant l'arrivée des premiers Européens. Le tronçon séparant Ottawa et l'ancienne ville de Hull était particulièrement marqué par l'obligation de faire halte et de porter canots et bagages, le long de sentiers de portages, afin de contourner le grand bouillonnement causé par les chutes Asticou.

Plus tard, sont arrivés les premiers Français. Ils ont donné un nom bien spécial au lieu où une rivière arrivant du sud se jette dans la grande rivière des Outaouais. Il s'y trouvait (et s"y trouve encore) un rideau d'eau formé par une chute entourant une petite île, baptisée l'île Verte. Les chutes ont tout naturellement reçu le nom de chûtes du Rideau, dénomination qui s'est snsuite appliquée à la rivière en question par extention.

Ensuite, les Britanniques, après la Conquête de 1759, ont fait irruption dans tout le secteur. Un groupe d'Américains a fondé Hull en 1800, juste en aval des grandes chutes Asticou, rebaptisées par eux Colombia, nom appliqué ensuite au village naissant, au sud de l'île de Hull. Entraînés par le colonel John By, les Britanniques sont ensuite apparus quelques dizaines d'années plus tard, pour construire un grand canal le long de la rivière Rideau, puis de la rivière Cataracqui, jusqu'à la ville de Kingston, afin de constituer une nouvelle voie de communication entre les Grands lacs et l'archipel montréalais, voie qui serpente à bonne distance de la frontière américaine. L'établissement créé par le colonel a reçu le nom de Bytown. Par la suite, la reine Victoria a choisi le site de Bytown comme capitale du Canada, justement pour son emplacement stratégique unissant les deux provinces actuelle du Québec et de l'Ontario, ainsi que pour sa position relativement éloignée des États-Unis. La ville a alors reçu la dénomination d'Ottawa, du nom du peuple des Outaouais vivant au nord du lac des Hurons.

La ville d'Ottawa a beaucoup grandi depuis cette époque, fusionnant avec les municipalités environnantes il y a quelques années, avant d'atteindre tout récemment le chiffre magique d'un million d'habitants. De même, de l'autre côté de la rivière, les villes s'étalant d'Aylmer à Buckingham, sur la rive outaouaise, ont fusionné il y a peu pour former la grande Ville de Gatineau, forte de près de 300 000 habitants présentement. C'est donc une grande métropole de 1,3 million qui s'étend aujourd'hui des deux côtés de la rivière des Outaouais, en croissance rapide, alimentée par des vagues importantes d'immigration.

Ottawa a bien changé depuis mon enfance. La ville était alors vue comme une cité drabe et ennuyante de fonctionnaires fédéraux bien rangés et sans histoire. On disait alors qu'à 17 h, tout le monde rentrait chez soi et qu'on roulait les trottoirs pour la nuit. Ce n'est plus comme ça, aujourd'hui, pour le meilleur et pour le pire. La ville accueille maintenant, en plus des emplois de fonctionnaires, un pôle important d'emplois au niveau de la haute-technologie, de grands parcs industriels et d'importants centres commerciaux, ainsi que des tours à condos qui poussent un peu partout, particulièrement près du marché By, dans le secteur de la Basse-Ville. Moderne et d'avant-garde, la ville d'Ottawa est aussi un lieu de plus en plus évident de misère urbaine et de problèmes sociaux.

Je m'en suis rendu compte avant-hier et c'est ce qui m'a poussé à rédigé cet article. Je contrôlais l'accès à un stationnement du centre-ville, comme gardien de sécurité, lorsque, juste devant moi, une dame est descendu d'un autobus et s'est mise à marcher pour le contourner vers l'avant et passer du côté sud de la rue. Arrivée en plein milieu de la rue, elle s'est tout simplement effondrée sur elle-même et s'est abattue sur la chaussée. Je me suis approché pour lui porter secours et un autre homme, d'expression française, m'a imité. Cette dame, anglophone, était complètement saoûle. Son corps affalé sur la chaussée bloquait la circulation des deux côtés de la rue. Nous l'avons remise sur pied et éloignée pour l'installer du côté nord de la rue. Le conducteur de l'autobus a contacté son superviseur et celui-ci est apparu peu après, accompagné de trois ou quatre pompiers arrivés, eux, par camion, apparemment pour aider à déplacer la dame. Celle-ci a repris ses esprits et est disparue asserz rapidement pour aller rejoindre son logement, quelques rues plus loin.

L'incident est assez anodin, mais il survenait au lendemain d'une journée qui s'est signalée par divers incidents bizarres, dont une femme d'âge mûr se dirigeant vers une station de train léger en criant des inanités, des gens hurlant comme des fous à l'autre bout de la rue et un homme rabougri qui m'a salué, avant de se rapprocher pour me menacer du poing. Encore plus curieux, aujourd'hui même, un homme d'expression anglaise a pris un parti un autre conducteur d'autobus, d'origine étrangère, l'accusant de saboter son retour à la maison, avant de l'injurier en le voyant s'éloigner au volant de son véhicule, criant entre autres : 'Damn immigrant!'.

Ottawa fait de plus en plus penser aux grandes métropoles canadiennes que sont Toronto, Montréal et Vancouvert, voire même aux grandes villes des États-Unis. L'ancienne ville de fonctionnaires a une économie bien plus diversifiée qu'avant, ainsi que des inégalités de plus en plus criantes. Certains secteurs font même penser à la 'cour des miracles' qui existait autrefois dans le Paris du Moyen-Âge, là où l'on retrouvait des exemples de misère et de détresse extrêmes.

Cela m'a fait réfléchir aux changements qui se produisent sans cesse et qui ont accompagné la lente mutation / évolution du site d'Ottawa au fil des millénaires. La vie est faite de mouvement et rien n'est jamais immobile. 'Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme', aimait à dire le célèbre chimiste français Antoine Lavoisier. Je me suis alors souvenu de l'histoire de Boston, une ville fondée par des Puritains arrivés d'Angleterre, puis devenue progressivement irlandaise à la suite de vagues successives d'immigration. Cette ville d'abord très protestante est ainsi devenue le lieu de naissance du premier président catholique des États-Unis, John F. Kennedy. Les populations plus pauvres ont en effet tendance à avoir plus d'enfants que les populations plus riches.

Ici, par contre, les choses me paraissent un peu différentes. Les Canadiens anglais et les Canadiens français ont des taux de natalité très bas, tandis qu'un quart de million d'immigrants entrent au pays à chaque année. Au plan sociologique, un double phénomène de 'melting pot' est en cours, au Canada anglais et au Canada français, avec une fusion graduelle, de part et d'autre, des populations arrivantes (plus pauvres et moins nombreuses, mais en forte croissance démograpĥique) et des population déjà en place (plus riches et nombreuses, mais en décroissance démographique). Il y n'aura pas nécessairement remplacement des uns par les autres, mais plus probablement émergence de deux populations métissées, une utilisant l'anglais comme langue d'usage et une utilisant le français comme langue d'échange.

Ainsi va la vie, au pays d'Asticou, la grande chaudière bouillonnante de renouveau.

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