L'ANGLOSPHÈRE ET LES TIGRES DE PAPIER
Connaissez-vous l’Anglosphère? C’est un concept créé
il y a quelques années, en Grande-Bretagne. Il désigne l’ensemble des pays dont
le peuplement est en grande partie ou majoritairement anglo-saxon et dont la
langue la plus usitée est l’anglais. On y retrouve quatre royaumes
britanniques : le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la
Nouvelle-Zélande, ainsi qu’une république : les États-Unis d’Amérique.
L’Anglosphère (‘’anglosphere’’) est un mot qui
rappelle d’autres constructions semblables, tels Sinosphère, Francosphère,
Hispanosphère, Lusitanosphère, etc. L’Hispanosphère, par exemple, regroupe
essentiellement l’Espagne et les pays latino-américains d’expression espagnole,
mais elle peut aussi inclure des territoires anciennement colonisés, comme les
Philippines, la Guinée équatoriale, etc. La définition du concept est encore
assez élastique. La Sinosphère, elle, est l’entité qui regroupe les trois pays
où se trouvent une majorité de Chinois, soit la République populaire, Taiwan et
Singapour. Certains y rajoutent aussi Hong-Kong et Macao, mais, en fait, ces
anciennes colonies sont désormais solidement intégrés à l’espace politique de
la Chine continentale. On pourrait y inclure les millions de Chinois qui
résident en Asie du sud-est depuis des siècles, sans parler de ceux qui,
plus récemment, sont venus vivre dans les quartiers chinois de l’Amérique du
nord, de l’Europe et, de plus en plus, d’Afrique.
La naissance du concept d’Anglosphère est sans doute
attribuable à l’émergence lente et irrésistible de la Chine en tant que
puissance économique d’avant-plan, parallèlement à la stagnation relative et au
début du déclin de la puissance américaine. Les É.-U. d’Amérique ont émergé de
la Deuxième guerre mondiale comme puissance prééminente, suivie dans une moindre
mesure de l’Union soviétique, vite flanquée de la Chine rouge. La Guerre froide
entre l’Ouest (les bons) et l’Est (les supposés affreux) qui s’en est ensuivie
a duré des décennies, avant de se terminer au tournant des années 80-90, par
une victoire nette et claire des Américains, avec la dissolution de l’Union
soviétique et l’abandon du communisme en tant que formule économique de base de
la République populaire de Chine. Celle-ci a glissé vers une recette mixte,
plus socialiste, à base d’un mélange de capitalisme et de communisme, avec des
sociétés d’État, des entreprises privées, des coopératives, des regroupements
informels, etc. ce qui lui a permis d’amorcer une impressionnante période de
croissance économique, un formidable Bond en avant s’étendant sur un tiers de
siècle.
Le système politique de la Chine, lui, est resté
solidement sous la poigne du Parti communiste chinois (PCC), une créature
gigantesque qui regroupe plus de 90 millions d’individus, soit une population
plus large que celle de l’Allemagne. On perçoit habituellement la Chine rouge
comme un pays totalitaire où une population enrégimentée obéit docilement aux
diktats d’une seule personne, un pays de robots sans cervelle, dénués
d’imagination, etc. Il faut plutôt y voir une société remarquablement bien
organisée et efficiente, assise sur une base démographique gigantesque.
L’époque actuelle, avec la fin du mandat du président
américain Donald Trump et une transition assez surprenante, donne sans doute un
avant-goût de ce qui se prépare à plus grande échelle. La Guerre froide était
un monde essentiellement bipolaire où tout se résumait en un affrontement entre
un modèle économique et un autre. Cela a été suivi d’un monde multipolaire où
les grands acteurs (USA, bloc européen, Russie, Chine, Inde, pays arabes, etc.)
jouaient une partie difficile à suivre, tant il était complexe.
Tout risque de se bouleverser, avec la formation d’un
Empire du milieu de plus en plus solide et sûr de lui, doté d’une
infrastructure impressionnante (donnez un coup d’œil à la carte du réseau de
chemin de fer à grande vitesse en Chine et à celle du même réseau en Amérique
du nord, c’est tout simplement le jour et la nuit) et d’un rayonnement qui ne
se dément pas, dans tous les domaines (culturel, militaire, diplomatique,
politique, etc.), et l’émergence des Five Eyes, la constellation de
l’Anglosphère, de plus en plus mobilisée contre l’adversaire commun, le PCC.
La rivalité entre ces puissances va certainement
grandir tout au long des prochaines décennies, au cours d’un siècle qui sera
aussi marquée par la lutte aux changements climatiques. Ne pariez pas trop vite
contre le PCC : le dragon chinois n’a pas dit son dernier mot face aux
lions britanniques et à l’aigle américain. Le siècle qui vient de se
terminer était américain, celui qui s’amorce risque fort, très fort, d’être
chinois.
Rappelons simplement que les premiers pas du Parti
communiste chinois ne furent pas marqués par la facilité. En butte aux
Japonais, aux puissances occidentales (avec leurs flottes fluviales, leurs
concessions étrangères, leurs missionnaires, leurs hommes d’affaires, etc.),
aux seigneurs de la guerre et, surtout, aux redoutables nationalistes du
Kuomintang, les tous premiers communistes chinois étaient plus souvent
pourchassés que prédateurs. Une personne normale n’aurait sans doute pas parier
sur leurs chances à long terme. Et pourtant…
Et le politburo solidaire, me direz-vous, que vient-il
faire dans tout cela? Rien, en vérité, si ce n’est qu’il doit pédaler
rapidement, sous la surface, ces temps-ci, pour tracer son chemin dans un
environnement pas toujours facile et marqué par d’incessantes embûches.
Vive un Québec plus vert, plus juste, plus équitable,
plus sain et plus libre!
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Bonjour, tous les commentaires sont acceptés, dans la mesure où ils sont d'ordre professionnel. Insulteurs s'abstenir...