LE PAYS DES MILLE COLLINES AU COEUR DE L'AFRIQUE

 


Au centre de l'Afrique profonde, dans la zone volcanique qui fait la fracture entre l'Afrique centrale et l'Afrique de l'est, au sud-ouest de la région des Grands lacs, à cheval entre deux des trois grandes aires supralinguistiques de cette partie du monde, soit l'aire francophone et l'aire anglophone (la troisième étant l'aire arabophone couvrant toute l'Afrique du nord et une partie de l'Afrique de l'est, plus précisément l'ancienne Somalie aujourd'hui éclatée, Djibouti, l'archipel de Zanzibar, les îles des Comores, l'île française de Mayotte -ou Maore-, etc.), se trouve une contrée magique.

Il s'agit en fait d'une paire de pays, indépendants l'un de l'autre, formellement séparés au plan politique mais informellement réunis au plan linguistique, par la présence d'une seule langue, commune aux trois ethnies qui y vivent encore aujourd'hui,  des ethnies dont la plus ancienne (le peuple twa) remonte aux origines du monde, alors que les deux plus nombreuses semblent en train de constituer un tout nouveau peuple, unique au monde...

Il s'agit d'un Rwanda et du Burundi. Le Rwanda, connu de tout temps sous le nom magique et poétique de Pays des mille collines, et le Burundi, réputé depuis toujours comme étant le Coeur de l'Afrique, simplement à cause de la forme géographique du royaume originel (Urundi), forment un doublet singulier, un double pays comportant des terres agricoles très fertiles à cause des volcans et (ceci expliquant cela) une population très populeuse, à peu près aussi nombreuse, en fait, que celle des plats pays qui constituent la Belgique et les Pays-Bas de l'Europe du nord-ouest.

La comparaison n'est pas aussi boîteuse qu'elle pourrait paraître, puisque le souvenir de la Belgique flotte encore sur ces pays, le pays de Brel portant une grande part de responsabilité dans la création de la forme moderne de ces contrées africaines, il y a plusieurs décennies. Parlons des sources, toutefois, pas celles-du Nil, situées non loin, mais des sources du présent article, ces sources étant constituées d'une série de longues conversations menées auprès de nombreuses personnes originaires de ces contrées magiques, tout au long des contrôles, opérations de surveillances, positionnements statiques et patrouilles qui constituent l'ordinaire de tâches d'agent de sécurité de l'auteur, posté à Ottawa (Canada). Celui-ci a aussi eu la grande chance de côtoyer une femme très bien placée pour savoir de quoi il est question dans cet article, ayant vu le jour au Burundi, née de parents belges, et y ayant grandi, une dame remarquablement intelligente, maintenant à la retraite, mais toujours inlassablement active d'esprit et de corps, autrefois directrice générale d'une commission scolaire opérant dans les régions outaouaises du Pontiac et de la Vallée de la Gatineau.

Plusieurs théories et hypothèses circulent sur la curieuse et inhabituelle configuration formée par le recouvrement des identités ethniques, linguistiques et culturelles qui induisent la forme des structures politiques actuelles. Voici ce qui semble être l'explication la plus probable. Le Rwanda et le Burundi formaient à l'origine, il y a quelques centaines d'années, deux royaumes africains distincts, avec des territoires sensiblement semblables à ceux des pays d'aujourd'hui. En peu de mots, de façon schématisée, ces royaumes ont été explorés et subjugués par les Allemands, puis constitués en deux divisions administratives intégrées à leur colonie du Tanganyika, aussi connue sous le nom d'Afrique orientale allemande. Ces divisions constituaient plus précisément les provinces de Ruanda et d'Urundi et étaient situées dans la portion nord-ouest de la colonie. Par la suite, lors de la Première guerre mondiale, cette colonie allemande de l'Afrique orientale a été attaquée par des troupes belges (venues du Congo voisin, la grande implantation de la Belgique en Afrique centrale), ainsi que des effectifs militaires au service de l'Empire britannique, comprenant tant des soldats descendus du nord (du Kenya) que des soldats débarqués sur la côte orientale, en provenance de l'Inde. Cette guerre coloniale s'est conclue par une conquête des Alliés sur les Allemands, à l'issue d'un long affrontement  qui a débuté en 1914 et ne s'est pas terminé avant 1919, formant en soi un genre d'épopée dont les méandres mériteraient d'être racontés.

Les Belges, donc, ont ainsi hérité des deux divisions administratives et, une fois la guerre finie, les ont rattachées à leur propre administration coloniale, sous la forme de deux nouvelles colonies belges. Ces deux colonies très peuplées de l'Afrique de l'est s'articulaient au Congo belge, devenu aujourd'hui, la république démocratique du Congo, située elle en Afrique centrale. Le reste de l'ex-colonie allemande du Tanganyika, augmentée de Zanzibar, est lui devenu l'actuelle Tanzanie (un vocable créé en contractant les mots Tanganyika et Zanzibar).

Lors du grand mouvement de décolonisation des années qui ont suivi la Deuxième guerre mondiale, les deux colonies belges d'Afrique de l'est ont connu des destins essentiellement assez semblables, le Ruanda belge devenant le Rwanda indépendant et l'Urundi belge devenant le Burundi indépendant, avec des capitales identiques, restées essentiellement au même endroit depuis la fondation des royaumes africains originels, soit l'actuelle Kigali, au nord (Rwanda), et l'actuelle Bujumbara, au sud (Burundi).

Par la suite, le Rwanda, se relevant du traumatisme du grand génocide commis par les Houtous radicaux à l'endroit des Toutsis et des Houtous modérés au cours des années '90, s'est détaché de l'aire linguistique couverte par le monde francophone en Afrique de l'est, pour se rattacher au monde anglophone de l'est du continent africain. Redynamisé sous la soulette du président toutsi Paul Kagamé, le Rwanda s'est engagé sur la voie d'un développement économique important, axé à la fois sur l'agriculture, l'industrie, le tourisme et le transport. À ce niveau, d'ailleurs, une toute nouvelle ligne de chemin de fer est envisagée pour relier le Rwanda à l'océan Indien. Cette ligne doit s'inscrire dans le prolongement d'une ligne déjà existante, mais entièrement reconstruite, récemment, entre Mombasa, le grand port du Kenya, et Nairobi, la capitale de ce pays, avec le soutien de la Chine. Le prolongement en question doit, à partir de Nairobi, passer par Kampala, la capitale de l'Ouganda, et aboutir éventuellement à Kigali, ouvrant ainsi une bonne partie de la région des Grands lacs au commerce mondial.

Le Burundi, pour sa part, demeure rattaché au monde francophone africain, à travers le Congo dmocratique voisin. Le pays se développe économiquement, mais pas à la même vitesse que le Rwanda, et garde des liens étroits avec son pays-frère du nord. Le système éducatif du Rwanda a été remodelé et refondu, en vue de faciliter l'apprentissage de la langue anglaise, comme langue d'échange. Cette langue de communication est utilisée aux côtés de la langue originelle des citoyens des deux pays, soit le kinyarwanda (Rwanda) et le kirundi (Burundi, ces deux termes désignant simplement deux dialectes de la même langue. Beaucoup de Rwandais, toutefois, ne veulent pas perdre le contact avec la langue française, ni avec leurs compatriotes du sud, et ils choisissent d'envoyer leurs enfants à des écoles privées où l'enseignement est prodigué en langue française. Ajoutons que la nomination d'une représentante du gouvernement rwandais à la tête de l'Organisation mondiale de la francophonie a grandement permis d'améliorer les relations tendues entre la France et le Rwanda, le gouvernement français ayant souvent été blâmé et accusé d'avoir fermé les yeux lors des incidents entourant le grand génocide des années '90.

En quelques mots, la population du Rwanda et du Burundi est composée essentiellement de trois grands groupes ethnolinguistiques:

1- les Twa, environ 1 % de la popuation totale des deux pays (d'origine pygmée, conptant, avec leurs frères de la forêt équatoriale du bassin congolais, parmi les plus anciens peuples du monde, conjointement avec les peuples à clic d'Afrique de l'est et d'Afrique du sud),

2- les Houtous, un mot souvent orthographié Hutus, mais prononcé Houtous, les plus nombreux habitants des deux pays, avec environ 84 % de la population, plus pauvres en général que les Toutsis et autrefois soumis à leur autorité,

3- et les Toutsis, un mot souvent orthographié Tutsis mais prononcé Toutsis, moins nombreux (environ 15 % de la population) que les Houtous, mais mieux éduqués, ayant aussi dominé la structure démographique des deux royaumes originels, avant d'être favorisés par les Belgique (l'administration coloniale de ce pays ayant misé sur eux au plan de la gestion administrative), souvent victimes de massacres commis par la majorité houtoue des deux pays.

Les Houtous et les Toutsis ont ceci de remarquable que les deux populations se côtoient mais ne se mélangent presque pas, les mariages se concluant généralement entre membres des mêmes groupes ethniques. Les deux sous-groupes restent distincts, malgré une langue commune. De plus, l'apparence physique des deux sous-groupes est assez différente, la plupart des Houtous ayant la forme un peu ramassée et arrondie des Bantous (peuple agricole issu de l'Afrique occidentale et ayant peu à peu occupé toute l'Afrique centrale, orientale et méridionale)  Les peuples bantous, au fil des siècles, se sont étendus en défrichant des terres agricoles au milieu des forêts habitées par les Pygmées, en Afrique centrale, puis dans les territoires occupés originellement par les peuples à clic du sud et de l'est de l'Afrique (les Bochimans, Hottentots, etc.). La plupart des Toutsis, eux, ont une apparence souvent fine et élancée, typique des peuples Nilotiques de la vallée du Nil, au nord.

L'aspect physique est un indice important sur l'explication de la dualité ethnique des Houtous et des Toutsis. Essentiellement, les Toutsis semblent avoir gagné la région des Grands lacs en remontant la vallée du Nil, un genre d'exode à rebours, l'Afrique ayant servi en effet de point d'origine de toutes les populations humaines, les personnes non noires étant esentiellement celles qui ont quitté l'Afrique orientale pour se diriger vers le nord, en peuples entiers, en clans, en groupes, en familles ou en individus, au cours des millénaires écoulés.

En atteignant l'endroit où prendront un jour place les deux royaumes originels, les Toutsis, un peuple vivant d'élevage, ont rencontré les Houtous, un peuple vivant d'agriculture, et sont arrivés à les dominer malgré des effectifs assez faibles, constituant peu à peu un genre de classe supérieure contrôlant les leviers politiques et économiques des deux royaumes. Le ressentiment ainsi engendré chez les Houtous, premiers arrivés (et perpétué par les politiques des colonisateurs belges) a entraîné des tensions constantes, expliquant les massacres et génocides survenus au cours des dernières décennies. Cela dit, les deux sous-groupes semblent poursuivre un long processus d'intégration, facilité par l'adoption d'une langue commune, les moins nombreux (les Toutsis) ayant peu à peu adopté la langue des plus nombreux (les Houtous).


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