NATIONALISME ET INDÉPENDANTISME


Les Canadiens d'expression française ont commencé à être nationalistes le jour où ils sont devenus Canadiens français, c'est-à-dire le jour où, en 1759, ils ont été conquis et sont passés, comme une marchandise, d'un Empire à un autre Empire.
Ce nationalisme est né de l'impuissance, essentiellement, de la conscience de ne plus avoir un réel contrôle sur son destin, d'être devenu colonisés. Il s'agit ici d'un nationalisme défensif, un réflexe de protection devant un monde devenu étranger et inquiétant, du jour au lendemain.
Il a pris plusieurs formes et s'est exprimé de plusieurs façons, mais toujours dans une perspective d'affirmation nationale, dans le but de ne pas perdre le peu de pouvoirs effectifs que nous avions encore sur nos existences. Notre langue et notre culture, ainsi que la civilisation dont nous étions issus, étaient donc valorisés et défendus farouchement.
Au tournant de la Deuxième guerre mondiale, alors que les États-Unis prenaient les rênes de la domination mondiale, ce nationalisme a changé lentement de forme, se recentrant sur un territoire différent et de dimensions bien moindres que celui qu'avait fini par prendre le Canada au cours de nombreuses décennies d'expansion territoriale, sur l'impulsion des Anglo-Canadiens, bien assis aux commandes de l'appareil d'État, se recentrant donc sur le territoire de la province de Québec, bien plus petit, certes, mais celui où nous avions au moins une solide majorité démographique. Le nationalisme canadien-français est ainsi devenu un nationalisme québécois, tandis que les Acadiens de l'est de Canada demeuraient attachés à leurs propres ancrages culturels, plus profonds que les nôtres, et que les populations canadiennes-françaises de l'ouest du Canada devaient se contenter de constituer des minorités encore plus petites: Franco-Manitobains, Franco-Ontariens, etc.
Une partie du nationalisme québécois a alors pris une forme plus acérée, sous la forme de l'indépendantisme québécois, représentée par un parti (le Parti québécois, fondé en 1968) et un homme politique exceptionnel (René Lévesque). Après une victoire initiale en 1976, le grand rêve indépendantiste (une oeuvre collective, au service d'un peuple bien particulier et bien délimité) s'est englué progressivement dans les marais de l'échec, d'abord avec le référendum perdu de 1980, ensuite avec le référendum volé (par Ottawa) de 1995.
Plus d'un quart de siècle plus tard, où en sommes-nous ? Le PQ a manqué le virage identitaire des dernières années et une certaine partie de l'électorat independantiste a pris une allure repoussante, teintée d'extrême-droite, caractérisée par une attitude racialisante, anti-immigrants, anti-noirs, anti-musulmans, etc., tout cela, évidemment, au nom... du peuple québécois! Ces groupuscules (La Meute, Atalante, etc.) représentent l'aboutissement d'un genre de pourrissement social, engendré en réaction à l'extinction brutale des aspirations légitimes de tout un peuple.
Par la suite, au cours d'une quinzaine d'années d'un régime libéral provincial abrutissant et abêtissant, marqué par le désengagement politique de larges franges de la population franco-québécoise, la situation a changé de nouveau, avec la création de deux nouvelles formations, la Coalition avenir Québec (centre-droite) et Québec solidaire (gauche). La CAQ, nationaliste mais non indépendantiste, d'inspiration vaguement autonomiste, a pris le pouvoir aux dernières élections et gère présentement la province. Les politiques de cette formation, concernant le domaine de l'éducation collégiale et universitaire à Montréal, jumelées à l'anglicisation lente mais apparemment inexorable de la région montréalaise, amorcée dans la foulée du deuxième référendum, ont entraîné un réveil imprévu et, pour certains, inattendu, du vieux réflexe nationaliste canadien-français, affaibli mais encore vivant.
Il est difficile, à ce stade, de prédire ce qui pourrait se produire. Ce qui est de plus en plus certain, c'est que les prochaines élections provinciales, à l'automne de 2022, pourraient être assez intéressantes...
À suivre..

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