STATIONS SPATIALES : VERS LE RETOUR DE LA BIPOLARITÉ?

 

La Station spatiale internationale actuelle.

L'annonce faite aujourd'hui par la Russie de mettre un terme à sa participation à la Station spatiale internationale était assez prévisible, étant donné la reconfiguration de l'ordre mondial actuellement en cours.
Au cours de la Guerre froide, jusqu'à l'implosion de l'Union soviétique (1991), la course à l'espace était essentiellement une aventure à l'image du monde existant alors, soit un entreprise bipolaire, le bloc de l'Est contre le bloc de l'Ouest. Le premier humain à mettre le pied sur la Lune a été Neil Armonstrong, en 1969, à l'occasion de la mission Apollo 11, tous s'en souviennent, mais l'on oublie par contre trop souvent que le tout premier humain à quitter l'atmosphère terrestre et à se retrouver ainsi dans l'espace a été Youri Gagarine, un cosmonaute russe voyageant à bord du vaisseau Vostock 1 (Vostock veut dire Orient, comme dans Vladi-Vostock, littéralement Seigneur de l'Orient), en 1961.
On peut catagoriser l'exploration humaine de l'espace en trois grandes phases, jusqu'à maintenant. Au cours de la première, de 1961 à 1991, donc pendant trois décennies, les Soviétiques ont commencé en lion en prenant une solide avance, mais les Américains se sont réveillés et ont profité de leur gros portefeuille pour réussir à se rendre jusqu'à la Lune et crier victoire. Durant cette période, Soviétiques et Américains ont fonctionné en parallèle, les vaisseaux et stations spatiales soviétiques, fonctionnant ensemble d'un côté, et leurs équivalents américains, fonctionnant ensemble d'un autre côté, avec bien peu de coopération entre les programmes des deux grandes puissances spatiales.
Lors de la deuxième phase, 1991-2021, soit de l'implosion de l'Union soviétique à la fin de la présidence de Donald Trump, le monde s'est caractérisé par une multi-polarité assez prononcé. L'Inde, la Chine, la Russie, l'Union européenne, l'Union africaine, les États-Unis, les pays arabes et les pays latino-américains: autant de puissances en état d'agitation permanente et formant des liens entre elles de façon apparemment inconhérente. L'exploration spatiale a pris alors une autre forme, marquée par une plus grande collaboration entre les puissances spatiales, incluant de nouveaux joueurs de plus en plus influents, tels l'Union européenne, la Chine, le Canada, l'Inde, etc. Même de tout petits pays comme Israël ou les Émirats arabes unis se sont mis de la partie et ont commencé à s'intéresser à l'espace, jusqu'à s'appréter à envoyer des engins sur la Lune et Mars. C'est aussi l'époque où l'entreprise privée a été invitée par les gouvernements impliqués à se joindre à l'effort des programmes nationaux, ce qui a favorisé l'émergence de compagnies comme SpaceX et Blue Origin.
La Station spatiale internationale a été l'emblème et le symbole de cette époque. Par contre, cette station, de plus en plus, vieillit et nécessite des dépenses toujours plus onéreuses, décourageant a la longue un important joueur comme la Russie, un pays qui dispose à la fois d'une excellente technologie (l'increvable vaisseau Soyouz en est un bel exemple) mais de moyens financiers limités. Au même moment, la reconfiguration des rapports de force mondiaux se poursuit et cette phase multipolaire commence à se transformer et le monde semble vouloir revenir à une nouvelle phase bipolaire, dont la composition devient de plus en plus perceptible.
En quelques mots, la rivalité économique et politique USA-Chine ne peut que se répercuter sur l'exploration spatiale et introduire une troisième ère (2021-?), axée sur une toute nouvelle bipolarité, celle-là entre le bloc chinois et le bloc américain, présentement en train de s'aggréger l'un comme l'autre. Ici aussi, une progression est à prévoir. Il est clair, d'ores et déjà, que la Russie va se réaligner progressivement et tenter de se joindre à la Chine. Des pays comme l'Iran et d'autres feront certainement de même. Les autres agences spatiales (en fait, les gouvernements dont elles dépendent) auront elles aussi à repenser leurs orientations dans ce domaine. L'agence spatiale canadienne va quasi-inévitablement choisir de s'aligner sur la NASA américaine, tout comme les agences spatiales israélienne et émiratie.
Le choix de l'agence spatiale européenne est plus difficile à prédire, mais cette décision sera bien plus déterminante, étant donné la puissance économique du bloc européen. Il est très possible que l'Union européenne finisse, après une hésitation de quelques mois ou de quelques années, par faire le saut du côté chinois, bien que peut-être en essayant de ménager la chèvre et le chou à la fois, pour ne pas se mettre à dos le géant américain en perte de vitesse, à l'aide de gestes symboliques (mais vides de substance).
Si tout cela se concrétisait, il y aurait alors formation de deux puissants groupements, deux faisceaux d'outils et de moyens permettant de poursuivre l'exploration et d'entreprendre la colonisation progressive de l'espace proche, celui constitué par la Lune, Mars et l'orbite terrrestre, i.e. le domaine de la Première frontière spatiale.
On peut s'attendre à ce que la NASA, même avec l'appui du Canada, sans parler de celui du Royaume-Uni, de l'Australie, d'Israël et des Émirats arabes unis, ait fort à faire pour tenir tête au bloc chinois. L'entreprise privée américaine pourrait faire une différence, ici, et lui être d'un réel secours, bien sûr, mais il serait par contre imprudent de sous-estimer la participation tout aussi prévisible de firmes privées relevant des pays alignés sur le bloc chinois.
Cela étant posé, le réalignement des agences spatiales de l'Inde et du Japon sont peut-être les plus difficiles à prédire. Elles pourraient tout aussi bien ajouter beaucoup à la puissance chinoise que devenir un appoint important du côté américain.
En bout de ligne, une autre course s'amorce donc entre blocs concurrents, cette fois entre pro-Chinois et pro-Américains, avec comme finalité la prise de possession effective des espaces proches, par le biais de la construction d'aménagements permanents pour la recherche scientifique et l'exploitation des ressources disponibles sur place, ainsi qu'à terme, la mise en place d'infrastructures permettant d'héberger des populations civiles...

Youri Gagarin, le tout premier homme à quitter 
la Terre et à voguer dans le firmament,
quelque part entre Terra et Sol... 

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