FINANCES: LA PROGRESSION CHINOISE SE CONCRÉTISE


Un développement récent est passé inaperçu ces derniers jours, particulièrement au niveau de la presse anglophone, plus portée à parler d'un génocide imaginaire au Xinjiang (et à citer ensuite des 'allégations' qui ne sont en fait que les affirmations douteuses provenant... d'elle-même).

Un article très pointu et très porteur, publié par un média japonais réputé pour son sérieux (Nikkei Asia), révèle que le monde financier chinois commence à bénéficier de l'ascension économique du géant asiatique. Traditionnellement, au cours des décennies passées, les trois places financières les plus importantes du monde étaient New-York, Londres et Tokyo. En d'autres mots, il s'agissait des métropoles des deux plus importantes cités du monde culturel anglo-saxon et de la capitale d'un pays qui avait pris une place prépondérante dans l'économie du continent asiatique, avant d'en être délogé par la Chine.

Le cas du Japon mérite d'être souligné. Sorti écrasé et démoli par les événements de la Deuxième guerre mondiale, ce pays s'est relevé lentement et péniblement, aidé par la puissance concurrente l'ayant terrassé. Cette puissance y voyait un avantage, dans un contexte où tout le littoral oriental du continent asiatique était dominé par des pays communistes (après 1949 dans le cas de la Chine maoïste), lesquels avaient fait sentir leur combativité lors de la guerre de Corée (une partie nulle) et de celle du Vietnam (à la fois une partie gagnée à l'arraché par les pays communistes et une défaite particulièrement humiliante pour les États-Unis, peu habitués à se faire ainsi ramasser).

Au cours des années 60 et même avant, ce dernier pays a encouragé activement et favorisé la réémergence et l'essor de l'économie japonaise, au point de ressentir de l'inquiétude devant l'ampleur de son succès. Les personnes assez vieilles pour avoir vécu au cours des années 80 et 90 savent à quel point ce nouveau et vigoureux concurrent faisait peur aux Anglo-Saxons. Peu à peu, le Japon a pris sa place au sein d'une Triade (parfois appelée trilatérale) des pays capitalistes, composée d'une base en Amérique du Nord, d'une autre en Europe occidentale et d'une troisième en Extrême-Orient. La croissance des nouveaux dragons qu'étaient le Corée du Sud, Taiwan, Hong-Kong et Singapour a élargi encore davantage l'empreinte laissée par cette troisième base.

La lente, très lente, émergence de l'économe chinoise, après le grand tournant du début des années 90, alors que l'Union soviétique s'effondrait et que le gouvernement chinois en prenait acte en introduisant une solide dose de capitalisme dans son système économique dirigiste, a changé progressivement la donne. Mélange de sociétés d'État et de firmes privées, l'économie du Dragon chinois a commencé, timidement d'abord, plus énergiquement ensuite, à faire sentir sa présence un peu partout sur la planète, sans toutefois que personne n'y porte grande attention, en cette époque alors multipolaire, qualifiée de ''fin de l'histoire'' par un historien japonais croyant apparemment que les soubresauts générés par le développement et l'évolution de l'espèce humaine allaient prendre fin en cette fin du deuxième millénaire (selon le calendrier chrétien).

La Chine, donc, a pris la place du Japon dans la triade des places financières du monde capitaliste, du propre aveu des Japonais eux-mêmes. Qu'est-ce que cela signifie exactement? Pour bien mesurer l'essence de cet événement, il faut ici définir ce qu'est une grande place financière, de calibre mondial. C'est essentiellement un endroit où sont échangées des actions d'entreprises privées, d'abord et avant tout, mais aussi, accessoirement, l'ensemble des services financiers liés à la vie économique (assurances, prêts, obligations, hypothèques, gestion des actifs, etc.).

Il importe, dans le même temps, de prendre conscience des impacts prévisibles qu'aura le Brexit sur le sort de Londres. La sortie du marché européen et la perte d'un accès privilégié audit marché ne pourront qu'avoir un impact négatif à long terme sur l'importance relative de cette place financière. En choisissant une plus grande liberté d'action au plan politique, les Britanniques (en fait, majoritairement, la partie anglo-saxonne de ce pays, soit l'Angleterre, à l'exception très notable de la région londonnienne et de toute la frange sud de cette contrée, face à l'Europe) ont accepté la possibilité d'un impact négatif au plan économique, ainsi qu'un risque réel de démembrement territorial, avec la perte possible de l'Écosse et, peut-être même, de l'Irlande du Nord. Un tel risque peut sembler improbable, mais il faut le considérer à la lumière du processus de dévolution des pouvoirs qui a cours au sein du Royaume-Uni, depuis le début du siècle précédent. Rappelons que, dès les premières années de ce siècle, le Royaume-Uni a perdu un morceau important de l'archipel britannique, avec la perte de la partie catholique de l'Irlande, à l'issue d'un conflit court mais décisif pour ce tout nouveau pays souverain.

Ayant coupé les liens avec le continent européen, le Royaume-Uni veut maintenant resserrer les rangs avec les autres pays de l'Anglosphère et signer, aussi, des traités de libre-échange avec le plus de pays possibles dans le monde. Pourtant, l'instauration de barrières entre le continent et l'île principale de l'archipel britannique ne pourra que favoriser à long terme le développement des activités financières de la vieille Europe. Qui en profitera? Il s'agira très probablement des régions de Paris et de Francfort. Toujours dans l'ombre de Londres, Paris est demeurée un joueur majeur dans ce jeu, mais il est fort probable que la ville de Francfort, coeur financier du pays ayant la plus grande économie du continent (avant même la Russie) sortira éventuellement grande gagnante. Le processus est déjà amorcé, d'ailleurs, avec des déplacements massifs de capitaux, représentant des dizaines et des centaines de milliards de dollars américains, à partir de Londres et en direction des entreprises financières du continent. Ainsi, le Brexit pourrait avoir des effets déterminants, non seulement sur l'utilisation de la langue allemande et de la langue française au sein des institutions centrales européennes, ainsi qu'au niveau de son prestige aux yeux de la population européenne (comme mentionné dans de précédentes chroniques), mais aussi au plan financier et économique.

Pour ce qui est de New-York, rien ne semble menacer sa position dominante pour l'instant. La vie n'est jamais statique ou immobile, cependant, et les choses sont toujours fluides, ici et là dans le monde. Tout ce qui précède ne veut pas dire qu'il ne peut rien arriver au statut de New-York. Qui pourrait remplacer la métropole américaine, éventuellement? Les noms des places financières existantes de Mumbai et de Hong-Kong viennent en tête, tout naturellement, voire même celles de Moscou ou de Chongking, sans oublier Dubai, San Francisco ou Tokyo (un retour de cette ville n'a rien d'impossible, les choses étant ce qu'elles sont).

À plus long terme, tout devient brouillé, un peu comme les prévision météo. Aujourd'hui, il était question d'orage, comme annoncé pas plus tard qu'avant-hier. Il n'y en a cependant pas eu, du moins là où je me trouvais...

Ainsi va la vie.

Ainsi parla Zarathoustra...

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