LE VIRUS DE LA DEMOCRATIE


Depuis des mois, l'ancienne colonie britannique de Hong Kong est agitée par des troubles entre émeutiers et les forces de l'ordre contrôlées par le pouvoir central chinois et les autorités locales.

Ces conflits relatifs au degré d'autonomie réelle accordée au territoire découlent de la volonté de Beijing d'aligner Hong Kong sur le modèle continental, malgré les dispositions prises avant la rétrocession de la colonie à la Chine, en 1997. Ces dispositions garantissaient pourtant l'autonomie du territoire pendant une période de 50 ans, soit jusqu'en 2047, selon la formule 'Un pays, deux systèmes'.

Ce qui se passe à Hong Kong souligne bien les grandes différences qui existent entre le système politique chinois et la democratie à l'occidentale. La Chine, depuis le début des années '90, s'est donnée une économie mixte, publique et privée, mais elle a gardé un régime strictement communiste et dirigiste, réfractaire à toute contestation. Les habitants de Hong Kong, par contre, ont goûté à la démocratie occidentale et en apprécient les bienfaits, surtout la possibilité pour les citoyens d'influer sur les politiques nationales en choisissant tel ou tel parti politique.

La population du territoire n'a pas le gros bout du bâton, dans ce conflit avec le pouvoir central, malgré l'appui de plusieurs pays extérieurs, dont les États-Unis, la France ou le Royaume-Uni. Ceux-ci peuvent faire connaître leur opposition à la répression politique qui se déploie à Hong Kong, mais leur pouvoir d'intervention réel est assez limité.

On pourrait croire que les habitants de Hong Kong se trouvent dans un combat perdu d'avance et qu'ils devront tôt ou tard rentrer dans le rang. Il est vrai qu'à court terme, les chances, pour ces citoyens chinois vivant à Hong Kong, d'être entendus sont très minces. Toutefois, même si le pouvoir central réussit au début à faire taire l'opposition, il n'est pas dit qu'il pourra toujours échapper aux critiques venant de l'interne et aux demandes de changement issues de la population chinoise elle-même.

Pour un régime communiste, la démocratie (et l'idéal de liberté qu'elle véhicule) représentent un danger concret, parce qu'attrayant pour les citoyens qui y vivent. Il est certainement possible de faire taire les résidents de Hong Kong, mais il sera bien plus difficile d'éliminer les espoirs que suscite la démocratie. Le sentiment démocratique, pour la Chine, est un peu comme une contamination qu'il est possible de combattre mais qui risque d'avoir le dessus à long terme, contrairement à la pandémie qui se déroule présentement et qui finira bien par succomber à la science, sitôt que celle-ci parviendra à courir plus rapidement que la maladie et ses très véloces variantes/mutations.

Il est très possible que Hong Kong fasse lentement tache d'huile au sein de la population chinoise en général. Il est très possible que la démocratie, loin de s'imposer du haut vers le bas, finisse par se répandre du bas vers le haut, malgré la gravité, peu à peu, à travers la province de Kwangdong, puis des provinces avoisinantes et de l'ensemble de la Chine continentale, au fil des années et des décennies.

Hong Kong, en ce sens, est l'endroit où l'infection est entrée dans le système politique chinois. Le pouvoir central a réagi et a entrepris d'y mettre un terme, mais le virus démocratique risque d'être difficile, sans doute impossible, à éradiquer totalerment. Les idées sont difficiles à étrangler et ont la surprenante capacité de rebondir ici et là. L'idéal que représente la démocratie continuera à vivre et prospérer dans le coeur des habitants de Hong Kong et se fera sans doute un chemin à travers la population de l'ensemble du pays, lentement, à son propre rythme.

Il y a trente ans, sur la place de Tiananmen, le pouvoir a réprimé durement la jeunesse chinoise éprise de liberté, lors d'un massacre qui a frappé l'imagination mondiale. Aujourd'hui, une génération et demi plus tard, le même virus est de retour, mais de façon plus insidieuse. Il ne s'incarne pas, comme le précédent, en plein coeur du pouvoir chinois, soit dans la capitale, Beijing, mais dans les espoirs et les craintes des résidents d'une ville encore assez importante, mais périphérique, bien qu'imprégnée de culture britannique: Hong Kong. Profitons-en pour faire la distinction avec Macao, elle aussi une ancienne colonie, mais celle-là du Portugal, un pays qui, il n'y a pas si longtemps, était encore une dictature et dont les traditions démocratiques sont relativement récentes. Non seulement Macao n'est pas agitée comme l'est Hong Kong, mais elle se développe rapidement et fait de son territoire le paradis mondial des jeux de hasard, ayant dépassé depuis longtemps, en renommée et en flux monétaires, les grands noms qu'étaient Las Vegas, Atlantic City et Monte-Carlo.

Le virus démocratique n'est pas flagrant, mais caché et dissimulé, prêt à se reproduire et à se propager, de personne en personne, parmi l'ensemble de la population, dans un processus qui pourrait prendre des années, voire des décennies. On ne peut prédire à coup sûr ce qui va se produire. Cependant, ce qui est sûr, c'est que ce ne sont pas des chars d'assaut qui pourraient en venir à bout, il faudrait plutôt des arguments très convaincants.

Commentaires

  1. Excellent article !
    Un peu court toutefois !

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    1. Il n'était pas encore prêt, avec un seul paragraphe. Là, il est complet.

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  2. Excellent article! L'auteur maitrise très bien le sujet.

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