SURPRENANTES SIMILITUDES ENTRE LE QUÉBEC ET LA FINLANDE...

 


À prime abord, il n'y a pas grand chose qui semble apparenter deux contrées nordiques comme le Québec et la Finlande, sauf peut-être la neige et l'éloignement des grands centres mondiaux.

La première ressemblance se trouve au niveau de l'environnement ptoche. Les deux font partie d'un ensemble situé au nord d'un centre de puissance. Le Québec, ainsi, est l'une des dix provinces composant un pays très vaste, relativement souverain, connu sous le nom de Canada et situé sur le versant nord d'un pays tout-puissant au plan politique, les États-Unis d'Amérique. De même, la Finlande est un pays souverain faisant partie de la Scandinavie, un ensemble de pays eux aussi souverains, perchés au nord de l'Europe occidentale et centrale. Plus encore, le Canada, tout comme la Scandinavie actuelle, est souvent perçu comme plus heureux, plus éclairé ou plus libéral que les régions plus méridionales, les États-Unis dans le cas du Canada, l'Union européenne dans celui de la Scandinavie, souvent citée dans les palmarès des 'meilleurs ou plus heureux pays du monde'".

Plus avant, chaque contrée se distingue fortement au plan social, au sein de son ensemble proche. Le Québec est la seule province majoritairement francophone au Canada. La majorité des Québécois, à raison d'environ 80 % de la population, descendent d'immigrants venus de France et constituant la deuxième des quatre grandes couches qui forment la population de la moitié septentrionale de l'Amérique du Nord anglo-saxonne (c'est-à-dire germanique), à distinguer de l'Amérique du nord géographique (au nord de la Colombie). La première couche est celle constituée par les peuples amérindiens, arrivés d'Asie du nord-est il y a des milliers d'années. La deuxième est celle des migrants originaires de France, arrivés à l'époque de la Nouvelle-France, suivie des représentants de la troisième couche, celle des migrants originaires du Royaume-Uni et du reste de l'Europe, dans le cadre du régime britannique. La quatrième, bien sûr, est formée par les gens qui, individuellement ou en familles, viennent s'installer dans ces terres d'immigration depuis le XIXe siècle, en provenance de partout dans le monde.

La Finlande, pour sa part, est le seul pays scandinave dont la population ne fait pas majoritairement partie de la famille linguistique indo-européenne. Les Norvégiens, les Suédois, les Danois et les Islandais utilisent tous des langues dites germaniques, dominantes dans la partie nord de l'Europe, la partie sud étant majoritairement occupée par des populations utilisant les langues dites romanes, issues du latin, depuis l'époque lointaine où l'Empire romain occupait tout le bassin méditerranéen. Entre ces deux grandes couches de langues, germaniques et latines, s'étalait autrefois une troisième, les langues celtes, allant de l'archipel britannique au coeur des Balkans. Les peuples utilisant ces langues n'existent plus aujourd'hui, ayant été bousculés et absorbés progressivement par leurs voisins du nord et du sud, sur le continent. Par contre, cöté nord-ouest, ces peuples existent encore, en Irlande, en Écosse et au pays de Galles, mais leur idiome d'origine a été remplacé presqu'intégralement par la langue des colonisateurs anglais, dans un phénomène de déculturation prononcé, étiré sur une très longue période. Des langues plus petites, le manx, sur l'île de Man, entre l'Irlande et l'Angleterre, de même que le cornish, sur la péninsule des Cornouailles, au sud-ouest de l'Angleterre, existent encore. Dans le cas du cornish, il s'agit d'une langue revenue du monde des morts, essentiellement resscuscitée, puisqu'elle a fait l'objet d'une très intéressante expérience de réintroduction auprès d'élèves locaux, permettant de créer une masse d'environ 2 000 locuteurs en quelques années à peine. Ajoutons qu'au sud de l'archipel, en Bretagne française, la langue bretonne, elle aussi celte, parlée par des populations arrivées du sud de l'île de Grande-Bretagne (la Bretagne anglaise), se maintient tant bien que mal, menacée par la force d'attraction et le prestige du français. 

Le français, que ce soit celui parlé au Québec ou celui parlé ailleurs, peut être considéré comme l'une des deux plus importantes langues romanes, en nombre et en prestige. Seul l'espagnol peut lui tenir tête, grâce au nombre d'hispanophones (se hissant au deuxième rang, derrière l'anglais, dans le catalogue des langues d'origine européennes), au nombre de pays où il est utilisé et au rôle important qu'il joue au sein de l'Organisation des Nations-Unies, dont il est l'une desgrandes langues de travail. Pour sa part, le finlandais est l'une des principales langues langues de sa propre famille linguistique (finno-ougrienne), originaire du nord de l'Europe orientale et de la Russie européenne, aux côtés du hongrois, arrivé des régions proches de l'Oural. Les origines exactes du finlandais (et du peuple qui le parle) ne sont pas très claires. Le lapon lui est apparenté, sur tout le nord du toit de l'Europe, de la Norvège à la mer Blanche, tout comme l'estonien, parlé en Estonie, juste au sud, le carélien, parlé en Finlande orientale et en Russie, plus précisément au sud de la péninsule de Kola, ou le livonien, situé au sud de l'estonien, mais réduit aujourd'hui à bien peu de choses, essentiellement une courte portion de la côte balte, au nord-ouest de la Lettonie. D'autres langues, souvent minuscules, s'éparpillent jusqu'au centre de la Russie européenne, vestiges d'une présence bien plus vaste, réduite à peau de chagrin à cause de l'envahissement progressif de cette langue slave qu'est le russe, venu du sud-ouest (la Russie kiévite, aujourd'hui le coeur de l'Ukraine, dont la langue est très proche du russe actuel et provient de la même souche, tout comme le biélorusse, d'ailleurs).

Il y a encore bien d'autres ressemblances entre le Québec et la Finlande, notamment aux plans historique et politique. Les deux contrées ont été conquises par de grandes puissances extérieures, le Québec (sous la forme de la Nouvelle-France) par l'Empire britannique, la Finlande par l'Empire suédois, puis l'Empire russe. Les deux peuples ont pourtant su conserver l'essentiel de leur intégrité et de leur singularité, malgré bien des déboires et des mésaventures. Les deux contrées ont pu se libérer de leurs contraintes extérieures, au prix de bien des efforts et d'un entêtement particulier. Les Canadiens français ont résisté aux tentatives ouvertes et avouées d'assimilation culturelle et linguistique et ont contribué à bâtir le Canada moderne, nominalement indépendant, quoiqu'encore rattaché à l'Empire britannique, par la pointe, soit la cheffe d'État, aussi reine d'Australie, de Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni. Les quatre royaumes britanniques ainsi formés sont un peu comme quatre frères siamois, corporellement et cérébralement distincts, mais pourtant joints par l'extrémité occiputale. La Finlande, de son côté, n'a pas échappé à l'Empire suédois, c'est plutôt cet empire qui l'a perdu au profit de l'Empire russe, au cours de l'une de ces nombreuses guerres aujourd'hui oubliées qui parsèment l'histoire du monde. L'Empire russe, lui, à son tour, a perdu le grand-duché de Finlande à la suite des derniers soubresauts de la Première guerre mondiale et de la guerre civile qui s'en est ensuivie sur tout le territoire russe (dans le cas de la Finlande, les forces blanches -conservatrices- ont eu le dessus sur les forces rouges -progressistes-).

Politiquement parlant, le Québec et la Finlande sont plutôt des contrées libérales et perçues comme avant-gardistes. Les Québécois sont plus à gauche que la majorité des Anglo-Canadiens, dans l'ensemble, alors que les Finlandais aiment expérimenter de nouvelles choses. C'est d'ailleurs un pays qui, aujourd'hui, fait une large place aux femmes en politique, celles-ci dominant la plupart des partis qui se partagent la vie politique nationale.

Encore une dernière ressemblance: les deux contrées hébergent des reliquats des populations autrefois dominantes. Les Anglo-Québécois, fortement concentrés sur l'ouest de l'île de Montréal, mais aussi présents dans les franges ouest, sud et est des frontières de la province, sont relativement prospères (d'une façon très générale) et bénéficient de l'appui actif des Anglo-Canadiens, toujours soucieux de la protection de leurs droits linguistiques. En Finlande, les personnes d'origine suédoises (plus ou moins le dixième de la population) vivent surtout le long de la côte sud-ouest, sur l'archipel des Alands et le long de la côte sud, de part et d'autre d'Helsinki, la capitale. Ce sont les descendants des Suédois qui se sont projetés sur toute la partie orientale de la mer Baltique à l'époque de l'Empire suédois (il y avait même un fort et un village suédois à l'extrêmité orientale du golfe de Finlande, là où se trouve présentement la grande métropole de Saint-Petersbourg). De petites populations suédoises vivent encore en Estonie et jusqu'en Ukraine, constituant en quelque sorte les souvenirs vivants qui témoignent d'une domination bien oubliée. Les Finlandais d'ascendance suédoise disposent de leur propre parti politique, dédié à la protection de leurs droits et de leurs intérêts, un peu comme le Bloc québécois au niveau fédéral canadien. Soulignons enfin que les Suédois et les Finlandais (le vrai nom de la Finlande est Suomi) vivent emmêlés dans leurs pays respectifs. En plus des Suédois de Finlande, il y a des Finlandais vivant en Suède, depuis très longtemps pour ceux de l'extrême nord (Tornedal, littéralement la vallée de la Torn), plus récemment pour ceux de centre du pays, autour de la capitale suédoise. Près de 5 % de la population suédoise est de langue finlandaise.

À noter que l'interpénétration des peuples germaniques (suédois) et finnois se reflète aussi dans l'extrême-nord de la Scandinavie, dans le nord-est de la Norvège (norvégien et finlandais), mais à bien moins grande échelle, ainsi que dans l'aire linguistique lapone, là où cohabitent tout à la fois des langues germaniques (norvégien et suédois, à l'ouest), une langue slave (le russe, dans la région de Kola, à l'est) et les langues finnoises parlées par les Lapons (un peu partout) et les Finlandais (au centre de l'aire lapone). Longtemps considérés comme des quasi-barbares peu civilisés et inclassables vivant sur le toit de l'Europe, vu comme un genre de bout du monde, les Lapons sont en fait, tout simplement, un peuple d'élèveurs très peu nombreux et parlant une langue apparentée de près au finlandais, cet idiome que parle le peuple d'agriculteurs que sont les Finlandais et dont la grande masse des locuteurs se trouvent dans la partie sud du pays, plus accueillant et plus propice à une population nombreuse et organisée.

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