CANADA: LA PRISON DES PEUPLES

 


Avant la révolution de 1917, la Russie des Tsars était couramment surnommée la ''Prison des peuples''. La police tsariste y était active et omniprésente et les Russes dominaient un empire multiethnique où régnait la russification forcée et l'absence de libertés, tant individuelles que collectives.

L'avènement de l'Union soviétique n'a pas créé un paradis, loin de là, mais les nouveaux dirigeants ont au moins tenté de redresser les choses. Un moyen utilisé a été la création de structures politiques conçues pour desservir les différentes ethnies de l'empire. Ce n'était pas pour rien que le nom du pays était l'Union des républiques socialistes soviétiques. C'était un nom très descriptif, puisque la nouvelle entité se voulait un rassemblement de républiques socialistes et soviétiques (soviet, en russe, veut simplement dire comité, comme dans 'comités de travailleurs', les premières instances informelles créées pour renouveler le système politique).

Il y avait ainsi une république pour les Ukrainiens, une pour les Biélorusses, une pour les Ouzbeks, une pour les Kazakhs, une pour les Arméniens, une pour les Géorgiens, etc. Plus encore, à l'intérieur de chaque république, se trouvaient souvent des républiques autonomes dédiés à des peuples moins nombreux que ceux vivant dans les républiques comme telles. Les Yakuts, par exemple, un peuple de langue turque vivant dans l'est de la Sibérie et comptant quelques centaines de milliers de représentants, disposaient de leur propre région autonome. C'est d'ailleurs encore le cas aujourd'hui, au sein de la Russie actuelle.

Un système similaire a été mis en place en Chine lors de l'avènement de la république populaire chinoise, en 1949. Tout l'ouest et le nord du pays sont ainsi couverts de régions autonomes à caractère national: pour les Tibétains, les Ouygours et les Mongols, ainsi que pour les Huis (essentiellement des Chinois de confession musulmane, dont près du cinquième des effectifs vivent  dans la région autonome du Ningxia, au sud de la Mongolie intérieure) et les Zhuangs (un peuple de langue thailandaise vivant au Guangxi, à l'ouest du Gouangtong). Entre la théorie et la réalité, il y a évidememnt une marge, puisque les Chinois (peuple han) sont très fortement majoritaires en Mongolie intérieure, là où l'enseignement du mongol est même devenu interdit, et le sont devenus de peu au Xinjiang. Au Tibet, les Tibétains sont en passe de devenir minoritaires, surtout si l'on tient compte des nombreux soldats basés dans des garnisons militaires. Ailleurs, dans les provinces qui correspondent à la vieille Chine de culture han à proprement parler, le même principe est observé, avec des comtés pour les secteurs 'han' et des régions nationales autonomes pour les zones habitées par des minorités, lesquelles sont une cinquantaine dans l'Empire du milieu.

Il est intéressant de noter que le Canada a commencé à s'engager dans cette voie, avec la création, par le gouverenement fédéral, du Nunavut, dans l'est de l'Arctique canadien, afin de donner une structure politique aux Inuits de cet endroit. De même, la mise sur pied d'une région spécialement désignée dans l'ouest de l'Arctique a permis de couvrir les communautés inuites de ce secteur. Les gouvernements provinciaux n'ont pas été en reste, avec la création de régions autonomes inuits au Québec (Nunavik) et à Terre-Neuve-et-Labrador (Nunatsiavut). À noter que, dans cette dernière province, existe un mouvement pour faire reconnaître un territoire (NunatuKavut) dédié aux métis inuits/blancs vivant dans le tiers méridional du Labrador, au sud du fleuve Churchill.

Cela étant dit, la situation des autochtones (Inuits, Amérindiens et Métis) du Canada n'est pas reluisante, pas plus que celle des francophones. Les récentes découvertes de charniers d'enfants dans les anciens pensionnats indiens montre les ravages effectués par les conceptions des premiers gouvernements canadiens à l'endroit des premiers peuples de ce pays. John Alexander MacDonald, tout premier chef de gouvernement au Canada, était un impérialiste bien pensant qui considérait, comme bien d'autres à son époque, que les Canadiens français étaient une population indésirable mais impossible à déporter et que les autochtones devaient être déculturés, désocialisés et recivilisés, enfin d'en faire des imitations d'Européens.

Cette attitude a lentement évolué au fil des années, il est vrai, mais les coutumes et langues autochtones du Canada en ont pâti et ont perdu beaucoup de leur vitalité. Le mépris des Blancs ne pouvait être ignoré par ceux et celles qui en étaient les victimes et, psychologiquement, un prix a été payé, soit la déculturation partielle des peuples autochtones. Les Inuits comptent parmi ceux qui ont le mieux conservé leurs traditions et leur langue, surtout à cause de l'isolement, de leur nombre relativement élevé et de la densité relative de leur peuplement. Même eux, toutefois, en souffrent, à en juger par le fait que les Inuits vivant dans la partie ouest du Nunavut commencent à montrer des signes d'assimilation, la langue anglaise étant souvent considérée comme celle de la modernité.

Le même phénomène, d'ailleurs, s'observe chez les francophones (et pas seulement ceux vivant hors-Québec). Les jeunes, en particulier, montrent des signes inquiétants en ce sens et l'attitude de plusieurs laissent entendre que le français et l'anglais, à leurs yeux, c'est kif-kif, les deux langues étant supposément d'égale valeur et interchangeables. À ce jeu, évidemment, la plus lourde aura tôt ou tard le dessus et ce ne sera pas le français. On voit que le vieux mythme du ''parfait bilingue'', répandu par les fédéralistes au cours des dernières décennies, aura fini par donner des fruits, ceux-ci étant cependant vénéneux et détestables. Dans un monde idéal, un Canadien français s'exprimant aussi bien en français qu'en anglais a accès aux trésors de ces deux mondes culturels. En pratique, cependant, ce stade n'est qu'une étape intermédiaire vers une domination croissante de l'anglais sur le français, jusqu'à la disparition éventuelle de cette dernière langue.

L'assimilation aux anglophones est une réalité quotidienne pour les Acadiens des provinces de l'Atlantique et les Canadiens français vivant à l'ouest du Québec. L'infériorité économique des francophones et le grand prestige de l'anglais, couplé aux conséquences des mariages interethniques, ne laissent pas grand-chance aux perspectives de survie du français à  long terme. Même au Québec, les inquiétudes soulevées par les signes récents d'assimilation dans la région métropolitaine de Montréal et l'attrait grandissant de l'anglait chez les cégépiens francophones sont des signaux d'alarme qui sont impossibles à ignorer.

L'échec des deux référendums de 1980 et de 1995 a envoyé toutes sortes de signaux, dont certains commencent à peine à être décryptés. Un de ces signaux est que le Québec n'est plus menaçant et peut être négligé et sous-considéré sans danger par les anglophones. Un autre est que le Québec est solidement dans le camp canadien et que les Québécois sont fiers d'en faire partie. On semble faire peu de cas du fait que la majorité des Franco-Canadiens a délibérément et volontairement dit 'ouit' à l'indépendance en 1995, en toute connaissance de cause et en sachant ce qui pouvait en découler. On oublie aussi, un peu trop rapidement, que le gouvernement canadien, lors de ce même référendum, de l'aveu même de l'ex-premier ministre Jean Chrétien, a délibérément tordu les règles établies et choisi de tricher pour s'assurer que le ''bon côté'' l'emporte. Ce référendum, au vu du très faible écart entre le 'Oui' et le 'Non', a donc très possiblement été volé et non perdu.

Les fédéralistes francophones purs et durs, bien sûr, préfèreront penser que tout cela n'a plus maintenant aucune importance, vu que leur victoire est dans le sac et irréversible, sont-ils convaincus. Ont-ils remarqué, cependant, que leur parti de prédilection, le Parti libéral du Québec, face au parti autonomiste qu'est la Coalition avenir Québec et face aux deux partis indépendantistes que sont le Parti québécois et Québec solidaire, ne peut plus compter que sur 8 % d'appuis de la part des francophones du Québec? C'est que, comme tous les minoritaires, les francophones ont la mémoire longue, très longue.

Rien n'est terminé, tant que la vie continue. L'avenir, c'est ce qui s'en vient, pas ce qui se passe présentement. Les événements liés aux pensionnats et les craintes suscitées par le début d'un phénomène d'assimilation à Montréal prouvent que le sort des autochtones et des francophones n'est pas rose. La population canadienne est composée de quatre grandes couches, par ordre d'arrivée: les autochtones (par le biais de plusieurs peuples très différents les uns des autres), les Français (par le biais de deux colonies bien distinctes, le Canada et l'Acadie), les Britanniques (par le biais de l'Empire britannique) et les immigrants récents (venus de partout dans le monde depuis plus de cent ans).

Le Canada actuel ne changera que si les francophones et les autochtones, avec l'appui des immigrants et des représentants les plus éclairés des anglophones, arrivent à réformer ce pays de fond en comble, par exemple en créant une république canadienne, libérée de la monarchie britannique, ouverte au monde et flanquée d'une république québécoise autonome (ayant plus de pouvoir qu'une simple province canadienne) et de communautés autochtones agrandies territorialement et renforcées politiquement par l'octroi de pouvoirs élargis aux conseils de bande.

Les Canadiens d'origine britannique sont de moins en moins nombreux et les chances de réussite d'un tel programme sont réelles, à long terme.

C'est du moins mon souhait le plus profond, en cette soixante-et-unième année de ma vie...


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