L'ASIE, L'EUROPE ET LES PROVOCATIONS ANGLO-AMÉRICAINES

 


L'offensive anglo-américaine envers l'Empire du milieu se précise peu à peu. Des navires militaires américains ont délibérément violé les eaux territoriales chinoises, d'abord dans l'archipel des Paracels, au large du Vietnam, ensuite dans celui des Spratlys, à l'ouest des Philippines, dans cette mer de Chine méridionale dont une large part est revendiquée par Pékin, au détriment des pays riverains.

Les incidents rappellent immanquablement celui de la Crimée, survenu il n'y a pas si longtemps, et montre une escalade dans la provocation. Dans le cas de la péninsule criméenne, un destroyer britannique avait lui aussi volontairement navigué dans les eaux territoriales de cette contrée occupée par la Russie depuis plusieurs années et annexée à la Fédération de Russie, dont elle forme maintenant deux districts, soit la ville de Sébastopol et l'arrière-pays criméen. Par cette annexion, la Russie recouvrait une terre maladroitement cédée à l'Ukraine dans les années 50 et mettait la main du coup sur un territoire stratégiquement important, dominant toute la mer Noire et fermant la mer d'Azov. Par ailleurs, l'espace maritime et sous-marin qui en découle est potentiellement riche en minéraux, sans parler des activités de pêche en surface. Une énorme pont a été construit entre le Kouban et la péninsule pour intégrer aussi solidement que possible cette nouvelle possession russe.

L'Ukraine n'a pas déclaré la guerre à la Russie lors de cette annexion forcée, vraisemblablement pour deux raisons, soit l'étonnante rapidité d'action des forces militaires russes, fruit d'un entraînement et d'une préparation certainement élaborée, et la crainte d'un conflit asymétrique entre le géant russe et le nain ukrainien, dont le territoire partage une longue frontière avec la Russie et une république alliée à celle-ci (la Byélorussie), sans parler de deux républiques dissidentes pro-russes à l'est et d'un territoire dominé par la Russie à l'ouest (la Transnistrie), à cheval entre l'Ukraine et la Moldavie, sans parler bien sûr de la minorité de langue russe, très forte dans l'est et au sud. Suite à tout cela, l'Ukraine hésite à se joindre à l'Union européenne et l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), pour ne pas déplaire au colosse russe, ce qui, on s'en doute bien, fait évidemment l'affaire du président russe, Vladimir Poutine.

Étant donné le réseau grandissant d'alliances et de soutien mutuel entre la République populaire de Chine, la Fédération de Russie et la République islamique d'Iran, ainsi que les changements géopolitiques amenés par le développement des liens économiques entre ces trois pays, le Sud-Est asiatique, l'Asie centrale, le Moyen-Orient, l'Europe et l'Afrique, bref à travers la majeure partie du supercontinent afro-eurasien, les récentes initiatives militaires des puissances anglo-saxonnes ne surprennent pas. Les États-Unis, dans ce dossier, agissent conjointement avec les quatre royaumes britanniques que sont le Canada, l'Austraie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. L'ensemble fait penser à une escadre moderne, composée d'un porte-avions escorté et protégé par des navires secondaires. L'image est d'autant plus appropriée que les cinq pays en questions sont des puissances maritimes et que quatre d'entre eux ont été colonisés et peuplés par le Royaume-Uni.

Les discours belliqueux et guerriers que l'on peut entendre sur les divers canaux d'information montrent bien qu'il y a un phénomène de surenchère et d'excitation mutuelle entre ces pay, disposés à s'épauler et à travailler ensemble, contre un adversaire, la Chine, appeléé à devenir la toute première puissance économique au monde, une perspective extrêmement déplaisante aux yeux du monde anglophone (plus précisément, aux yeux des pays dont la population est de langue maternelle anglaise, étant donné qu'il importe de bien distinguer les gens dont la provenance et la culture originent de l'archipel britannique de ceux dont l'anglais n'est pas nécessairement la première langue: les premiers forment l'Anglosphère, un nouveau concept, créé par des Anglais eux-mêmes et faisant écho à la Sinosphère, la Francosphère ou l'Hispanosphère).

Les pays du monde culturel anglophone ont créé une alliance informelle, sous le nom de 'Quad', composé de quatre pays, soit l'Australie (le pays anglo-saxon le plus près de la Chine), l'Inde, le Japon et les États-Unis. Le deuxième est une ancienne colonie britannique, alors que le deuxième a été conquis par les Américains à l'issue de la Deuxième guerre mondiale. Leurs liens avec l'Anglosphère sont donc évidents. Un cinquième joueur pourrait potentiellement se joindre à eux, soit le Vietnam, dont la population garde le souvenir d'un millénaire de douloureuse domination chinoise. Il faut souligner que la civilisation chinoise a eu une influence indéniable sur tout l'Extrême-Orient, incluant le Japon et, même, la partie de la Russie faisant autrefois partie de la Mandchourie (de Vladivostok à la basse vallée du fleuve Amour).

Notons que, dans l'actuelle rivalité économique qui oppose les États-Unis (actuel numéro 1) et la Chine (futur numéro 2), ce dernier pays n'a pas de raison particulière de déclencher un conflit armé. La paix lui profite très bien, dans sa forme actuelle, avec une économie qui combine le meilleur du capitalisme (liberté d'entreprise) et le meilleur du dirigisme (planification impeccable et grande unité d'action, alors même que les États-Unis s'embourbent dans un clivage grandissant et paralysant entre forces progressistes et forces conservatrices, incapables de s'entendre et de se respecter, la droite faisant même montre d'attitudes inquiétantes, aux relents semi-fascisants.

Les perspectives économiques de l'Empire du milieu sont très bonnes, malgré les vélléités américaines de surpasser la Chine à ce niveau (''outcompete it'', pour reprendre l'expression du président américain). Par contre, l'attitude anglo-saxonne rend perplexe, à la vue des gestes commis ces dernières semaines. On sent une trépidation et une impatience, une volonté de sonder et de tâter le terrain, de jauger les réactions et de voir jusqu'où il est possible d'aller. Le monde se dirige-t-il vers une guerre? Rien n'est impossible, mais, le plus probable, demeure encore, au pire, un affrontement par adversaire interposé (''proxy war''), comme cela s'est vu en Corée et au Vietnam. C'est certainement ce qu'il faut souhaiter.





Commentaires

Les articles les plus consultés

CANADA: FROM KINGDOM TO REPUBLIC

LE DÉSÉQUILIBRE CANADIEN

LES OLYMPIADES VAGABONDES...