LA MAISON DE DIEU (3)
LA MAISON DE DIEU (3)
LE GENRE DU DIVIN
Dieu n'a pas de genre. La divinité monothéiste de nos ancêtres, celle de la tradition juive/chrétienne/musulmane, n'est ni homme, ni femme, mais transcendant à cet égard, comme à tous les égards possibles et imaginables. Cette divinité n'est ni jeune, ni vieille, ni petite, ni grande, ni grosse, ni mince, mais simplement incontournable et inévitable. Omniscient, omnipotent, cette divinité est partout et nulle part à la fois, engagée dans un dialogue avec l'humain lorsque bon lui semble.
Cela dit, le divin a-t-il un genre? Pour y répondre, il faut d'abord définir le genre. À quoi cette notion renvoit-elle exactement? Est-elle réellement importante? La naissance de la reproduction sexuée, il y a des dizaines de millions d'années, a créé cette dichotomie un peu artificielle entre mâle et femme, homme et femme. Ce type de reproduction est une invention relativement récente (tout est relatif) et la matière vivante s'en est passée longtemps, sans que cela ne l'ait empêché de fonctionner à long terme, de vaincre le temps en se reproduisant d'une génération à l'autre et de vaincre la mort en se survivant à elle-même de cette façon.
Entre les deux moitiés de l'espèce humaine, les ressemblances sont évidemment plus nombreuses que les dissemblances. Nous ne sommes pas si différents que cela, dans le fin fond. Les hommes sont tout aussi importants que les femmes, tout aussi intelligents qu'elles le sont, tout aussi indispensables qu'elles le sont aussi, les uns ne pouvant exister sans les autres. Chaque moitié de l'espèce fonctionne à sa manière, chacune à sa façon, chacune avec ses priorités propres, chacune avec ses aspirations particulières, mais toujours à l'intérieur des mêmes paramètres de base.
Jamais deux sans trois: le vieux proverbe s'inspire probablement d'une facette fondamentale de la réalité humaine, en ce sens que la formation d'un couple amène généralement l'apparition d'un petit humain, ou d'une petite humaine, voire éventuellement d'une série d'enfants, en quantité plus ou moins importante selon les cas. Nous ne tombons pas du ciel et nous ne sortons pas de la cuisse de Jupiter. L'espèce se construit par addition successive et par une sorte de métamorphose : de l'individu au couple, du couple à la famille, de la famille au clan, du clan à la tribu ou à la nation. Chaque individu provient d'une famille, en est issu, en est le produit, et chaque individu au cours de sa vie, aspire habituellement à créer une famille à son tour, via la formation du stade intermédiaire qu'est le couple. Ainsi va la vie, de génération en génération, depuis la création des premiers acides aminés dans les océans.
Le divin a-t-il donc un genre? La réponse n'est pas évidente et dépend en bonne partie de ses préférences personnelles. Le sens du divin, à mon sens, est plus compréhensible si on le rattache à une réalité familière, c'est-à-dire à un genre particulier. Duquel relèverait-il donc, de l'homme ou de la femme?
Si l'on perçoit le divin comme l'ensemble de la vie, l'ensemble de la matière vivante, il est sans doute plus facile et plus aisée de l'imaginer sous une forme féminine, les femmes étant liées depuis la nuit des temps à la notion de reproduction, de transmission de la vie d'une génération à l'autre. Il suffit de songer aux statuettes primitives que l'on trouve parfois, dans les cavernes, arborant des images de mères au ventre distendue, à la vulve proéminente, pour comprendre l'existence et l'origine d'un tel lien. Ces statuettes anciennes, préhistoriques, profondément touchantes et émouvantes dans leur simplicité et leur témoignage inconscient, sont la preuve indéniable que nos ancêtres les plus lointains avaient très bien compris l'importance de la moitié féminine de l'espèce au plan de sa survie à long terme. Tous autant que nous sommes, nous sommes tous issus d'une vulve.
L'image populaire de Mère nature, sous la forme d'une force plus ou moins consciente, régissant le fonctionnement et les mécanismes de l'évolution de la matière vivante, est très ancienne. Elle coïncide d'ailleurs très bien avec les préoccupations environnementales actuelles, celles qui mobilisent la jeunesse par les temps qui courent, étant donné les dommages énormes et dangereux, créés par l'espèce à l'endroit de sa propre maison au cours des deux ou trois derniers siècles, depuis en fait l'émergence de la révolution industrielle.
La Maison de Dieu, c'est le lieu où existe la vie, qu'elle soit humaine ou non, qu'elle soit microbienne, végétale ou animale. À l'heure actuelle, cette vie, sous la forme que nous lui connaissons, est cantonnée à la planète Terre et à son orbite basse, malgré des incursions assez rapides et éphémères sur notre satellite naturel, au siàcle dernier. Cette maison est appelée à s'agrandir au cours des prochaines décennies, des prochains siècles, au fur et à mesure que l'espèce apprendra à utiliser et transformer à son profit les ressources qui se trouvent au-delà de Terra.
Si le divin est noir, il est aussi femme. Sa personnification, c'est-à-dire la façon de le concevoir, en découle. Une femme-symbole, cela fait un peu penser à Colombia, la personnification traditionnelle de l'Amérique, ou à Marianne, la personnification traditionnelle de la France moderne, ou à Marie, la personnification traditionnelle de la mère du fils du Dieu chrétien, ou de Mère nature, la personnification traditionnelle des réalités vivantes sous toutes leurs formes. Le divin, c'est Gaïa, ce concept issu de la mythologie grecque qui personnifie l'ensemble du vivant. Honnêtement, qui de mieux qu'une femme pour représenter la Vie?
En un mot, donc, le divin, c'est Ève, Ève africaine, Ève d'Afrique, cette Ève noire qui représente la toute première femme, celle du tout premier matin du monde, il y a longtemps, si longtemps...
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