LE QUÉBEC ET LA RELIGION

 


Pendant un quart de millénaire, la religion catholique a été l'un des éléments les plus importants de l'identité des Français vivant en terre américaine.

La Conquête de 1759 a créé un fossé profond entre francophones d'Europe et francophones d'Amérique. Notre branche a été séparée du tronc principal et s'est mise à vivre par elle-même, d'une façon indépendante et différente du reste de l'arbre. La France, quelques décennies plus tard, a connu une grande révolution qui a amené des changements durables, que ce soit au niveau de l'appareil politique (république démocratique, au lieu d'un royaume autocratique) ou à celui de la place de la religion dans la société.

Nous n'avons pas connu la Révolution française. Nous n'avons pas tranché la tête des nobles (nous n'en avions pas, en fait, puisque les Français les plus riches avaient les moyens de retourner en France après la Conquête) et nous n'avons pas restreint les droits de l'Église (celle-ci ayant été, chez nous, une des rares institutions à pouvoir faire partie de l'ossature sociale du Canada français).

La majorité de notre population était paysanne et pauvre, nos élites étant constituées essentiellement des gens occupants des professions (avocats, notaires, médecins, etc.) et des gens occupant des postes au sein de l'Église. Notre branche de l'arbre ethnique français a ainsi entrepris un développement bien différent de celui du tronc principal.

Ce système a continué pendant de nombreuses décennies. Peu à peu, malgré la présence prépondérante du milieu d'affaires anglophone, des Canadiens français se sont frayés un chemin dans le monde économique, contribuant au retrait progressif de la pauvreté et de la misère affligeant notre peuple. Au plan politique, certains des nôtres se sont hissés jusqu'au sommet de l'appareil politique canadien, mais seulement une fois que le Canada soit devenu, grâce à l'Empire britannique et à ses politiques migratoires appliquées entre la Conquête (1759) et la Confédération (1867), un territoire majoritairement anglophone. L'élection d'un Wilfrid Laurier ou d'un Pierre-Elliott Trudeau ne posait alors aucun problème majeur du point de vue des Anglo-Canadiens.

La religion catholique, elle, est demeurée longtemps sans conteste. Toutefois, ici comme ailleurs, le christianisme a subi un déclin de plus en plus rapide, ces dernières années, surtout à cause de la perception grandissante de son caractère anti-scientifique. Le point faible du christianisme a longtemps été l'importance accordé aux miracles et au surnaturel et l'avancée des connaissances, au Canada français comme dans le reste du monde occidental, a fini par avoir des conséquences tangibles au niveau des croyances populaires.

Aujourd'hui, le Québec (et l'ensemble du Canada français) est devenu laïque à toutes fins pratiques. Le sentiment religieux, notamment à l'égard du catholicisme, n'est plus que l'ombre de ce qu'il a déjà été. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre le caractère profondément anti-religieux de la loi 21, tant décriée ces temps-ci, au Canada anglais.

Cette loi n'est pas mauvaise en soi, puisqu'elle consacre et enchâsse une réalité, soit une société essentiellement laïque. Par contre, elle présente des problèmes, parce qu'elle a pour effet, maladroitement, dans certaines de ses dispositions, d'interdire des postes publics à des personnes ayant et affichant des croyances religieuses. Elle est donc discriminatoire envers les musulmans, les chrétiens, les bouddhistes, etc.

Il va falloir, éventuellement, que le gouvernement actuel reconnaisse les faiblesses inhérentes à cette loi, issues de la manière dont elle est conçue et libellée. Dans l'alternative, ce sera aux partis de l'opposition de le faire, que ce soit le Parti libéral du Québec ou Québec solidaire. Pour ce qu'il est du Parti québécois, il est en faveur de la formulation actuelle de la loi 21 et fait donc partie du problème, pas de la solution.



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