LES PLUS ET LES MOINS D'UNE PANDÉMIE
Il y a plus ou moins un siècle, la grippe espagnole a balayé un monde sortant à peine de la Première guerre mondiale, laissant derrière elle des dizaines de millions de morts.
Aujourd'hui, les vagues de la pandémie du Covid-19 se succèdent, tout comme les variants du virus, et les morts s'accumulent peu et à peu et se comptent déjà par millions, partout sur la planète. Il y a bien des ressemblances entre les deux événements.
Au plan du passif, il faut évidemment tenir compte des décès directs découlant du virus, nombreux et, par définition, irremplaçables. Chaque personne disparue ne reviendra plus, amenant avec elle son baggage de connaissances, d'expériences, de souvenirs, de regrets, d'espoirs, etc. Il n'y a pas que cela, bien sûr. Il faut aussi tenir compte de la souffrance ressentie par les proches des décès et, aussi, par ceux et celles qui ont été frappés par le virus et qui y ont survécu. Les douleurs et les maux ainsi engendrés à l'occasion de la pandémie sont tout à fait réels eux aussi. Les efforts supplémentaires déployés par le personnel infirmier, médical, sanitaire et autres, membres du système de santé de chaque pays, sont également des facteurs dont il faut tenir compte, d'autant plus qu'ils ont eu (et continuent d'avoir) des impacts sur leurs vies personnelles et sur leurs familles.
De même, l'impact économique engendré par le virus se compte en millions et en milliards de dollars. La liste est longue: fermetures d'entreprises, pertes d'emplois, pertes de revenus, coûts des mesures sanitaires, baisses des entrées fiscales, augmentation du déficit annuel public, hausse conséquente de la dette traînée par chaque pays, etc. Nous n'avons pas fini d'entendre parler de tout cela.
Il y a cependant des éléments à ranger du côté des retombées positives. En premier lieu, les expériences vécues en commun ont tendance à créer des souvenirs communs et à avoir des conséquences communes. Relever des difficultés ensemble, franchir des obstacles, suer et souffrir en commun créent des liens qui sont réels, bien qu'intangibles. Le voisin, soudainement, n'est plus un numéro ou un inconnu, mais quelqu'un qui, lui aussi, a eu son lot de souffrance, à cause du même ennemi. Le virus, malgré sa taille minuscule et son invisibilité, aura à ce niveau des effets énormes et bien visibles.
Toute l'espèce a été touchée par cet événement mondial, que ce soit en Papouasie-Nouvelle-Guinée, au Nicaragua, au Nigéria, en Suède, en Bolivie, au Canada, au Japon ou ailleurs. Nous étions tous dans le même bateau, pour dire les choses ainsi. La vie a continué son cours, malgré tout, au cours des années écoulées, et la pandémie n'a pas empêché les événements de continuer de se dérouler, comme si de rien n'était. Qu'on en juge: crise en Ukraine, tambours de guerre des anglophones autour de l'émergence de la Chine, apparition de la cryptomonnaie, changements en cours aux plans de l'automobile, des énergies durables, de l'aéronautique, de l'astronautique, etc.
Il y a davantage. Les mentalités présentement en vogue vont sans doute évoluer d'une façon différente, suite à la pandémie. La Seconde guerre mondiale a amené bien des changements, elle aussi, entre autres au niveau des tournures d'esprit. La victoire de l'Union soviétique et des Anglo-Américains a eu des conséquences sur les façons de penser, les mentalités, notamment sur l'individualisme et les libertés individuelles, comme base de référence au plan social. Politiquement, deux mondes opposés en tout étaient soudainement créés, bien tranchés: d'un côté, les dictatures 'totalitaires' (Allemagne nazie, Union soviétique, Chine rouge, etc.), de l'autre, les démocraties libérales, avancées, développées, riches, libres, royaume des libertés individuelles, . Dans ce contexte, les démocraties de l'Ouest paraissaient bien préférables aux dictatures de l'Est, puisque plus humaines et à l'écoute du citoyen.
Pourtant, ce qui est humain n'est jamais simple. La liberté est préférable à l'esclavage, cela va de soi, mais encore faut-il qu'elle s'exerce d'une façon responsable. La liberté est comme le pouvoir ou l'argent, quelque chose qui, potentiellement, peut corrompre. Le pouvoir absolu corrompt absolument, dit-on. Ne penser qu'à l'argent ne mène nulle part. De même, un excès de libertés peut désocialiser une communauté et briser les liens qui unissent ceux et celles qui en font partie, parfois pour toujours.
La liberté des uns finit là où commence celle des autres, a-t-on souvent l'habitude de d'entendre. En théorie, tout est toujours simple et sans problème. Personne ne se sent victimisé et ne tire la couverture à soi, c'est bien connu, et c'est d'ailleurs pour cela que la vie humaine n'est jamais ponctuée de conflits, d'affrontements et d'incompréhensions... Pour le dire simplement, ce n'est que lors de l'application des principes que l'on peut voir où blessent les bâts...
Entre libertés individuelles et responsabilités collectives, l'équilibre n'est pas évident. L'être humain est un animal social, par définition, il n'a pas été créé en éprouvette, dans un laboratoire, par un quelconque Dieu tout-puissant ou un extra-terrestre plus avancé que nous. Nous ne vivons pas notre vie seul, sur une île, pendant toute notre existence, mais en groupes, en bandes, en collectivités, en familles, en sociétés. Seule la vie en société permet la transmission de la vie humaine, de l'amont vers l'aval, de l'arrière vers l'avant, du passé vers l'avenir.
L'individualisme-roi a engendré l'enfant-roi, puis l'adulte-roi, un individu-roi qui se pense au-dessus de toutes les lois, bien sûr, mais aussi de toute contrainte, de toute obligation. Nous sommes ainsi tous devenus des Louis-XIV, celui qui proclamait fièrement que ''l'État, c'est moi''. Le phénomène est frappant chez les anglophones, mais frappe l'ensemble du monde européen, avec ses excroissances naturelles, aussi bien vers l'ouest (Amérique du Nord anglophone), jusqu'aux rives orientales du Pacifique, que vers l'est (espace culturel russe), jusqu'aux rives occidentales du Pacifique, dans l'autre sens. Les erxtrêmes se rejoignent.
Jean-Paul Sartre disait que l'enfer, c'est les autres. À son sens, seul l'individu est valable et admirable. Il avait tout faux: l'individue est l'enfer. Les individus sont tout, l'individu n'est rien. Il faut revisser notre tête sur nos épaules de la bonne manière, à l'africaine, réapprendre à vivre de façon aussi normale que possible, au milieu d'une société qui se désagrège.
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Bonjour, tous les commentaires sont acceptés, dans la mesure où ils sont d'ordre professionnel. Insulteurs s'abstenir...