MARATHONIENS, HALTÉROPHILES: LES OLYMPIADES UKRAINIENNES



Le marathonien et l'haltérophile n'ont pas les mêmes caractéristiques. Le premier économise son énergie et la distribue sur une longue période, franchissant des dizaines de kilomètres avant d'atteindre son but. Le second concentre son énergie pour une tâche brève mais particulièrement intense: arracher une lourde masse du sol pour la projeter loin au-dessus de sa tête.

Dans le monde contemporain, apparemment en train de se redistribuer en deux blocs bien distincts, quatre grands secteurs se distinguent. D'ouest en est, il y a ainsi, d'abord, le bloc anglosphérien, composé des quatre royaumes britanniques et, surtout, de la Fédération américaine. Ensuite, l'Union européenne, formée de vingt-sept nations organisée autour de l'incontournable tandem que forment l'Allemagne et la France, la première à cause de sa forte économie et de son importante population, la seconde à cause de sa force militaire (particulièrement aux plans maritime et nucléaire) et de son poids politique (droit de véto au conseil de sécurité, rayonnement mondial aux niveaux de la culture et de la langue, etc.). Il faut aussi mentionner la Russie et ses alliés d'Europe de l'est, du Caucase et d'Asie centrale. Enfin, la Chine, par elle-même, déjà immense en soi, mais aussi à travers le réseau de ses alliés, de ses investissements et de son commerce à travers le monde, plus précisément, sur le méga-continent que forment l'Afro-Eurasie, de Dakar à Singapour, de l'Irlande au Kamchatka. du Cap à Helsinki.

Deux de ces secteurs sont présentement soudés ensemble, notamment par le biais de l'Organisation du Traité de l'Atlantique nord (OTAN), bien que des signes de découplement apparaissent depuis quelques années. Les deux autres forment un bloc d'une unité encore un peu relachée et, surtout, dissimulée et peu avouée, bien que de plus en plus visible et indéniable. Il faut ajouter un membre, l'Iran, à ce bloc, celui-ci devenant du coup une triade. Ce bloc russo-irano-chinois, au plan militaire, se caractérise, entre autres, par la présence d'un mur défensif isolant toute la partie orientale de l'Eurasie, un mur très solide, disposé dans un axe nord-sud, selon la séquence suivante: Russie européenne / Caucase / Iran. À l'ouest de ce mur, se trouvent tout à la fois la péninsule européenne, le Moyen-Orient et l'ensemble de l'Afrique, les futures aires de croissance de la sph;re d'influence chinoise. À l'est de ce mur, se niche la Chine, bien blotie, bien protégée, bien à l'abri. De ce côté-là du mur défensif, la seule puissance pouvant se révéler potentiellement inquiétante, c'est l'Inde, celle-ci constituant, à l'est du mur défensif, mais en fait dans toute l'Afro-Eurasie, la seule masse humaine assez lourde et complexe pour prétendre pouvoir la menacer. Il faut cependant souligner que les liens économiques se multiplient entre la Chine et l'Inde, tsout comme avec les pays du Sud-Est asiatique, du Yunnan à Singapour, puis à travers le monde insulaire malais, notamment les archipels indonésiens et philippins, jusqu'au gros caillou australien. 

Il faut noter ici que le coup d'État inspiré par la Chine au Myanmar (Birmanie), il y a plusieurs mois, permettant à l'Empire du milieu de mettre l'Inde en cage (puisque flanquée à l'ouest par le Pakistan, au nord par le Népal et l'Himalaya, à l'est par le Myanmar et au sud par le Sri Lanka), a été habilement contrecarré par les États-Unis. Ce pays, en inspirant un le vote de non confiance, a réussi à retourner en partie le Pakistan en sa faveur. Cela dit, la Chine conserve une influence dans ce pays où elle a, rappelons-le, lourdement investi dans la construction des routes de la soie et elle profite aussi du retrait américain de l'Afghanistan, retombé aux mains des Talibans comme s'il ne s'était rien passé depuis l'invasion américaine ayant suivi la chute des deux tours de Manhantan). Grâce à tout cela, l'aménagement des routes de la soie méridionales qui relieront un jour la Chine à l'Afrique noire pourra donc se poursuivre, sans entrave majeure.

Pour ce qui est du bloc formé par l'Anglosphère et l'Union européenne, l'OTAN a entretenu pendant plusieurs décennies, de la Deuxième guerre mondiale, à tout récemment, son propre mur défensif, lui aussi dans un axe nord-sud, selon la séquence Allemagne / Alpes / Italie. Le mur couvrait ainsi l'Europe occidentale et la protégeait des menaces posées par l'ancienne Union soviétique, puis par la Russie. Ce mur a cependant été déplacé vers l'est il y a très peu de temps, comme on le verra plus loin.

Marathoniens, haltérophiles

Les marathoniens et les haltérophiles n'utilisent pas leur énergie et leurs membres de la même manière. Les premiers ont surtout recours à leur membres inférieurs, afin de courir lontemps et loin, sur une bonne période de temps. Les seconds ont surtout recours à leurs membres supérieurs, afin de soulever et hisser rapidement une masse très lourde.

Les secteurs en présence peuvent être départagés selon ces images. L'Union européenne et la Chine, par exemple, peuvent être qualifiés de pays marathoniens, puisque les deux ont des économies assez fortes, probablement appelée à s'améliorer progressivement dans le temps, surtout par le commerce. Leurs dépenses militaires sont relativement peu élevées et ne nuisent pas à la croissance. La Russie et les États-Unis, par contre, peuvent, eux, être comparés à des haltérophiles. Leur économie est soit faible (la Russie, dont la base démographique est celle qui est la plus faible des quatre acteurs en présence), soit déclinante (les USA, minés par l'ascendant que prend de plus en plus la Chine). Leurs dépenses militaires sont très fortes, nuisant à l'activité économique et faisant d'eux des colosses aux pieds d'argile, colosses parce qu'ils peuvent faire preuve d'une puissance militaire impressionnante, mais dotés de pieds d'argile parce que leur capacité économique ne leur permet pas de fournir de tels efforts sur une longue durée.

Dans cette comparaison entre marathoniens et haltérophiles, les marathoniens ont tout à gagner à une paix aussi longue que possible, gage de prospérité et de croissance, alors que les haltérophiles sont obligés de mettre l'accent sur la rapidité et de compter davantage sur leur force militaire que sur leur force économique, afin de se démarquer. Toutes ces caractéristiques se sont révélées au grand jour dans la foulée de la guerre ukrainienne.

La guerre ukrainienne

Cette guerre opposant la Russie et l'Ukraine a visiblement pour but de permettre à la première de mettre la main sur la seconde et de former ainsi, ensemble, ainsi qu'avec la Byélorussie, une nouvelle fédération panrusse regroupant tous les peuples slaves orientaux. Il y aura ceertainement aussi des conséquences au niveau du Moldova et de la Géorgie, deux États post-soviétiques désirant eux aussi adhérer à l'OTAN. Enfin, il va de soi que la Russie, sans parler de la Chine et de l'Iran, espère certainement parvenir à accentuer le clivage grandissant entre les deux moitiés de l'OTAN, soit la partie US-UK (United States-United Kingdom) et la partie UE (Union européenne).

Le conflit a aussi incité l'OTAN à concrétiser son agrandissement vers l'est, réalisé lors des dernières décennies, en constituant un nouveau mur défensif, encore une fois sur un axe nord-sud, mais celui-là plus à l'est, selon la séquence: Pologne / Carpathes / Roumanie, protégeant ainsi l'Europe occidentale et l'Europe centrale. L'OTAN souhaite aussi, dans la foulée, se rallier la Suède et la Finlande et militariser ainsi toute l'Europe orientale, de la Finlande à la Turquie, le long d'une ligne reliant le cap Nord, tout en haut de la péninsule européenne, et le Caucase, venant ainsi en contact direct avec le mur défensif qu'ont érigé la triade unissant la Russie, l'Iran et la Chine...

Le conflit a révélé les limites de la puissance russe, tant au plan militaire qu'au plan économique. Il est clair que la Russie a besoin du soutien économique de la Chine, même si celle-ci n'ose trop s'engager ouvertement, et va devoir renoncer aux espoirs d'une victoire rapide pour y aller à coups de butoir si elle souhaite parvenir à surmonter la résistance acharnée de l'Ukraine. Le conflit pourrait se révélér long, difficile et coûteux en vie humaine et en pertes matérielles.

La guerre met aussi en lumière les limitations de la puissance américaine. Les États-Unis, déjà détenteurs du plus important budget militaire de la planète, devront sans doute assumer des dépenses encore accrues, non-productives au plan économique, tandis que sa compétivité face à la concurrence chinoise ne s'améliore pas. Dans un contexte où la dette nationale, déjà énorme, a triplé au cours des dix dernières années, où ses rivaux commerciaux sont aussi ses principaux créanciers et où les perspectives économiques américaines ne sont guère reluisantes, n'augure rien de bon pour l'avenir à long terme de la prééminence mondiale dont jouit ce pays depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale.

L'UE, dans la mesure où elle continue de se détacher de l'OTAN, va devoir mettre ses ressources financières dans la mise en place de ses propres institutions et instances militaires, ce qu'elle peut cependant se permettre de faire dans un contexte de relative aisance économique. La Chine, tirant les leçons de l'expérience ukrainienne, a commencé à prendre des mesures préventives au plan économique, ce qu'elle peut elle aussi se permettre, tout en remettant en cause ses priorités militaires, notamment au plan de la force navale.

L'importanc incontournable des satellites militaires rend les navires de surface extrêmement vulnérables, parce qu'impossibles à cacher. Ce qui est valable pour le Moskva l'est tout autant pour les porte-avions, le coeur de la flotte américaine et le type d'engin que la Chine avait commencé à produire en grandes quantités. Il est fort possible que les priorités chinoises à long terme, au plan naval, soient repensées et reconsidérées. Pour le dire simplement, les navires qui naviguent dans les profondeurs ont l'avantage d'être plus discrets et plus difficiles à dénicher que ceux qui flotttent à la surface des flots. D'ailleurs, la décision anglo-américaine d'équiper la flotte australienne de sous-marins à propulsion nucléaire démontre que les Anglosphériens sont eux aussi pleinement conscients des nouvelles réalités de la guerre océanique. Dans ce domaine, un changement d'orientation de cette ampleur ne se fait pas en un an ou deux.

Il faudra bien du temps, pour la Chine comme pour les autres pays disposant d'une marine 'bleue', pour remplacer le modèle d'une flotte axée sur des porte-avions naviguant en surface au modèle d'une flotte axée sur des sous-marins se cachant sous les eaux. Des submersibles de plus grandes dimensions que ceux existant actuellement, équipés d'une panoplie d'armes diverses, comprenant torpilles, drones, mines, missiles de croisière, sondes automatiques, engins fureteurs, balises flottantes, missiles ballistiques, mini-sous-marins pilotés, missiles hypersoniques ou autres, sont peut-être déjà sur les tables à dessin...






 

Commentaires

Les articles les plus consultés

CANADA: FROM KINGDOM TO REPUBLIC

LA FAMILLE OCCIDENTALE MODERNE...

UN GRAND ÉCHANGE DE BOUE S'EN VIENT...