LE JAPON EN REDÉFINITION STRATÉGIQUE

 


Devant les changements géopolitiques en cours, le gouvernement japonais a entrepris un exercice de redéfinition de ses intérêts.

Plusieurs Japonais, en revanche, trouvent que le gouvernement n'est pas allé assez loin dans cette démarche. De fait, un tel débat au sein de la société japonaise est nécessaire et, pour bien le comprendre, il faut revenir quelques décennies en arrière...

La conquête du Japon par les USA en 1945 a constitué un choc majeur pour cette société. Il en a résulté bien des changements, notamment sous la forme de contraintes assez particulières pour ce pays-archipel, souverain en droit, mais colonisé et déclassé en pratique, avec une constitution lui interdisant de faire la guerre (!), une population traumatisée par la destruction nucléaire et une culture profondément américanisée.

La nature même de la constitution japonaise, il faut le dire, est en porte-à faux avec la définition de ce qui constitue un État souverain et a pour effet concret de faire du Japon un genre de protectorat du géant américain. Il est vrai qu'une telle constitution a été imposée d'en haut et n'est pas surgie d'en bas. C'est loin d'être l'idéal à long terme, puisque, les intérêts d'un pays doivent être définis par ses habitants eux-mêmes, pas par ses protecteurs.

Ce n'est pas sans raison que les Japonais ressentent donc le besoin de redéfinir qu'ils souhaitent, dans le contexte actuel. Il y a présentement un grand réalignement des plaques tectoniques qui se déroule sur toute la planète, avec des changements politiques et économiques forçant tous les pays à se repositionner.

Pour le dire simplement, la Deuxième guerre mondiale a été suivie par une période d'intense rivalité entre les puissances qui en sont sorties victorieuses, soit les Anglo-Américains et les Soviétiques. Le monde se divisait alors en deux grands blocs, celui de l'Ouest et celui de l'Est. Cette 'guerre froide' bipolaire a pris fin lors de l'implosion de l'Union soviétique et a été remplacée par une période de multipolarité entre les principaux acteurs politiques de la planète. Toutefois, la bipolarité est de retour, de plus en plus, avec l'émergence économique de la République populaire de Chine qui force les pays à prendre parti.

La situation actuelle peut se résumer de la façon suivante. Au centre, deux grands rivaux se font face:

  • A) les États-Unis, encore puissants, mais fatigués et en déclin, avec une population minée par des problèmes sociaux, et
  • B) la Chine, moins puissante pour l'instant, mais en ascension, bien décidée à mettre un terme à une hégémonie occidentale qui dure et perdure depuis déjà quelques siècles.

Autour de ces deux colosses, le vieux champion et le jeune prétendant, s'étalent toute une kyrielle d'États de taille moyenne, petite et minuscule. Plusieurs de ces pays s'interrogent et se demandent quelle trajectoire ils doivent adopter, anxieux de faire les bons choix pour les peuples qu'ils représentent et dont ils sont responsables.

Ces réflexions feront en sorte que même de vieilles alliances que l'on croyait inamovibles pourraient être remises en question et, dans certains cas, être modifiées ou remplacées par de nouveaux regroupements. Un tel repositionnement se poursuivra vraisemblablement au cours des prochaines décennies, peut-être même jusqu'à la fin du présent siècle, tant que durera la rivalité sino-américaine.

À ce stade, nul ne peut savoir quelle forme prendra cette rivalité: restera-t-elle limitée à des discours ou à de simples luttes commerciales? Des épisodes guerriers demeurent toujours possibles, comme c'est déjà le cas en Ukraine de nos jours ou comme cela pourrait survenir à Taiwan un jour prochain. S'il est possible de voir la paix comme une guerre au ralenti, la guerre, elle, est un calcul. Fruit d'une analyse froide et réfléchie, parfois bien avisée, parfois mal avisée, pour le meilleur et pour le pire, la guerre vise à remplacer une situation par un nouveau rapport de force.

L'histoire n'arrête jamais.



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Texte basé sur des twits publiés le vendredi 23 décembre 2022, en réaction à cet article: https://asia.nikkei.com/Spotlight/Comment/What-is-Japan-s-national-interest-A-debate-put-off-for-77-years

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