LA CHINE N'A PAS UN, MAIS DEUX RÉSEAUX D'INFLUENCE

 

Carte montrant les cinq pays composant actuellement le BRICS: Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. Trois d'entre eux sont en Eurasie et appartiennent aussi à l'OCS.

En date du 23 mai 2023, quelques mois avant la conférence d'août du BRICS qui statuera sur les nouveaux membres et sur la nouvelle monnaie qui servira aux échanges entre les participants, voici la vaste étendue des membres actuels et des trente pays qui souhaitent devenir membres. Il n'est pas impossible qu'un jpur, toute l'Asie continentale, l'Afrique et l'Amérique latine soit colorée en rouge...


Carte montrant les pays participant à l'Organisation de coopération de Shanghai. En vert foncé: les membres. En vert pâle: les observateurs. En jaune: les partenaires de dialogue.


On parle beaucoup du groupe des pays du BRICS par les temps qui courent: plusieurs pays du Sud Global veulent s'y joindre, une monnaie utilisée pour les échanges entre les membres pourrait voir le jour, les cinq puissances émergentes qui composent ce groupe pèsent maintenant davantage au plan économique que les sep pays occidentaux qui forment le G-7...

Tout cela est bien vrai, mais ce n'est qu'une partie de la réalité géopolitique contemporaine. Les BRICS étaient à l'origine un groupe informel de pays émergents définis par un analyste américain pour présenter les pays qu'ils croyaient appelés à croître rapidement au cours des années suivantes. Les premiers pays qui formaient le BRIC initial (Brésil, Russie, Inde et Chine) ont créé des instances formelles et ont coopté un cinquième membre, l'Afrique du Sud, changeant le nom pour BRICS (S pour South Africa, bien sûr).

De par son statut de deuxième puissance économique, la Chine se démarque des cinq pays émergents du BRICS et cet organisme devient de plus en plus un instrument de son influence grandissante. Dans le cadre de la rivalité croissante entre les États-Unis et la Chine, surtout depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, un fossé s'est creusé entre le G-7, un ensemble regroupant sept pays riches occidentaux ou pro-occidental (Japon), et le BRICS, un ensemble regroupant les alliés que sont la Russie et la Chine, ainsi que l'Inde, un pays qui joue sur les deux tableaux à la fois, l'Afrique du Sud, un pays qui envoie secrètement des armes à la Russie, et le Brésil, un pays qui souhaite s'éloigner des États-Unis, surtout au plan de la monnaie.

On conçoit aisément que le BRICS devient ainsi un réseau d'influence important pour la Chine. Cela dit, il faut rappeler que ce n'est pas le seul, il y a aussi l'Organisation de coopération de Shanghai (OSC), centrée surtout sur l'Eurasie et ayant une vocation bien différente. Dans les faits, le BRICS et l'OCS sont deux canaux utilisés par la puissance émergente de la Chine pour modeler son entourage et se constituer des sphères d'influence de nature et d'envergure différente.

La première entité (le BRICS) est surtout de nature économique et regroupe présentement cinq pays sur quatre continents. Plusieurs pays importants veulent se joindre à cette association appelée à prendre de l'expansion, dont l'Égypte, l'Argentine, les Émirats arabes unis, l'Iran, l'Arabie saoudite. Si cela advenait, le BRICS prendrait beaucoup de coffre au plan économique, de volume au plan de la population et d'envergure au plan territorial.

Un changement de nom est même possible dans une telle éventualité, puisque sa dénomination actuelle ne correspondra plus à sa nouvelle réalité. Quel que son le nom retenu (Association économique mondiale, Union des puissances émergentes, Forum de Terra ou quelque chose de ce genre), il devra exprimer les aspirations du groupe agrandi, tant les membres actuels que les membres éventuels, répartis à travers l'Eurasie, l'Afrique et l'Amérique latine.

La seconde des entités, l'OCS, est elle aussi assez récente et en expansion constante. Il couvre essentiellement l'Eurasie, notamment la Russie, la Chine, l'Inde, le Pakistan et l'Asie centrale, formant un bloc bien homogène et contigu. Son caractère est encore un peu flou et donne un peu l'impression de tirer dans tous les sens, mais il semble se cristalliser lentement sur une nature politique, voire sécuritaire.

Cette instance apparaît clairement comme le second canal choisi par la Chine pour étendre son influence et peser sur les événements la concernant. Son avenir n'est pas facilement discernable et se dessine pas à pas. La conclusion de traité d'entraide et d'alliance au plan politique, voire militaire, ne peut être exclue. Cela produirait à terme un bloc assurant la garde rapprochée de la Chine, dans sa rivalité croissante avec le monde occidental, en général, et, plus particulièrement, avec les États-Unis et leurs alliés les plus proches, i.e. les royaumes britanniques que sont l'Australie, le Royaume-Uni, le Canada et la Nouvelle-Zélande, les cinq pays formant ce qui est communément appelé les 'Five Eyes'.

Le nouveau bloc serait probablement centré sur la triade groupant la Chine, l'Iran et la Russie. La participation des pays de l'Asie centrale (avec ou sans l'Afghanistan) permettrait s'assurer une contiguïté territoriale adéquate (tout en facilitant le passage des futurs routes terrestres de la soie, vers l'Europe et l'Afrique. On voit mal comment la Mongolie, coîncée entre les deux géants russe et chinois, pourrait y échapper, sans parler de la Corée du Nord, glacis protecteur face à la Corée du Sud.

Dans un tel contexte, l'Inde, seule puissance asiatique ayant une masse humaine assez lourde et complexe pour pouvoir être en mesure de tenir tête à la Chine, serait alors presque réduite à l'impuissance, à la fois 1) à cause des alliances tissées par la Chine, 2) à cause des avantages de commercer paisiblement avec la Chine et ses alliés et 3) à cause de la présence de la chaîne montagneuse de l'Himalaya et des immensités du plateau tibétain qui s'interposent entre les deux géants asiatiques et empêchent d'avoir un contact direct.

De tout cela, résulterait un énorme bloc d'une grande solidité et, potentiellement, capable d'e durer dans le temps. Ce bloc aurait un grand nombre de façades maritimes et plusieurs noyaux industriels, reliés par un réseau serré de voies de chemin de fer et de routes, ainsi qun vaste hinterland, l'Asie centrale, stratégiquement bien placée et bien sécurisée.

La Chine aurait alors deux réseaux d'influence fonctionnant à pleine capacité:

  • un premier au plan économique (BRICS +), déployé largement, sur les trois continents de l'Afro-Eurasie, sans parler de la région latino-américaine, et
  • un deuxième au plan politique et militaire (OCS), dans son environnement immédiat, relais de puissance et chape protectrice à la fois.
N'oublions jamias que les Chinois sont d'abord et avant tout, non pas des joueurs de poker, comme les Américains, ou des joueurs d'échecs, comme les Russes, mais des joueurs de go, habités à placer leurs pierres sur la grille du jeu, une après l'autre, lentement, après mûre réflexion et toujours dans le cadre d'une stratégie bien précise.

L'avenir se déploiera, une pierre à la fois...


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AJOUT DU 8 JUILLET 2023:

Le réseau des BRICS est sans doute appelé à s'élargir peu à peu par vagues successives d'adhésion et à devenir éventuellement un complexe économique dépassant tout ce que nous avons vu jusqu'à maintenant., couvrant des portions plus ou moins grandes de l'Asie, de l'Afrique, de l'Europe et de l'Amérique latine. Pour sa part, l'Organisation de coopération de Shanghai devrait probablement prendre la forme d'une armature politique, encadrant et structurant l'espace eurasien, du monde panrusse à l'Extrême-Orient. Dans cette espace, par ailleurs, sur le plan militaire, la Russie européenne et l'Iran pourraient jouer le rôle de mur coupe-feu (ou de glacis protecteur), isolant et protégeant la partie orientale de l'Eurasie, soit le flanc ouest de l'Empire du milieu, tout comme le fait déjà la Corée du Nord sur le flanc est de ce même Empire.


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https://watcher.guru/news/5-new-countries-to-join-and-adopt-brics-currency-in-2023

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PLUS:  @charles.millar3 (Twitter)




Commentaires

  1. Merci pour l'expression de votre vision quant aux deux réseaux d'influence sur lesquels la Chine s'appuie : BRICS/BRICS+ et OCS. Le monde s'apprêt à vivre de très grands bouleversements.

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